Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 12 juillet dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Allègre c. France, requête n°22008/12). La requérante, ressortissante française, a perdu son époux dans une explosion alors qu’il travaillait au Centre d’Etude du Commissariat à l’Energie Atomique (« CEA »). La requérante s’est constituée partie civile dans le cadre d’une procédure pénale qui a fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu. Ni la requérante ni les autres parties civiles n’ont interjeté appel de cette ordonnance. En revanche, quelques mois plus tard, la requérante a cité le CEA devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Les juridictions internes, dont la Cour de cassation, ont rejeté sa demande. Devant la Cour, la requérante alléguait qu’elle n’avait pas pu agir par voie de citation directe et exposer sa cause devant un tribunal et que la Cour de cassation, par son arrêt de rejet, a effectué un revirement de jurisprudence imprévisible, cela emportant violation de son droit d’accès à un tribunal et au principe de sécurité juridique. La Cour rappelle, tout d’abord, que les exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas un droit acquis à une jurisprudence constante, une évolution de la jurisprudence n’étant pas, en elle‑même, contraire à une bonne administration de la justice. Elle constate, ensuite, que la citation directe ne doit pas permettre à la partie civile de contourner une ordonnance de non-lieu rendue au cours d’une procédure antérieure, ceci devant s’appliquer au CEA qui n’a pas été mis en examen ni témoin assisté dans l’information judiciaire mais dont la responsabilité pénale a été évoquée. La Cour estime, en outre, que la requérante s’est volontairement abstenue d’interjeter appel de l’ordonnance de non-lieu alors que cette voie de recours lui était clairement accessible et de nature à répondre à ses prétentions. Elle relève, par ailleurs, que contrairement à ce qu’affirme la requérante, la jurisprudence de la Cour de cassation était hésitante sur la question de la reprise des poursuites par la partie civile en cas d’instruction clôturée par une ordonnance de non-lieu, non frappée d’appel. La requérante s’est, dès lors, placée dans une situation dans laquelle elle risquait de se voir opposer l’irrecevabilité de la citation directe délivrée à l’encontre du CEA. La Cour souligne, enfin, que la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas considéré que le 2ndpourvoi de la requérante était l’occasion d’une clarification de la jurisprudence concernée puisqu’elle l’a rendu en formation restreinte de 3 juges réservée, notamment, aux affaires dans lesquelles la solution paraît s’imposer. Les textes pertinents ne prévoient le renvoi d’une affaire devant l’Assemblée plénière que lorsqu’après cassation d’un 1erarrêt, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens. La Cour conclut, dès lors, que la requérante n’a pas subi d’entrave à son droit d’accès à un tribunal, qu’il n’y a pas eu méconnaissance du principe de sécurité juridique dans les circonstances de l’espèce et que, partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MG)