Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 21 juin dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Semache c. France, requête n°36083/16). La requérante, ressortissante algérienne, est la fille d’un homme qui, après avoir consommé de l’alcool, a pris la route à bord d’un véhicule avec un ami. A la suite d’un contrôle, la police les a interpellés. Placés à l’arrière de la voiture de police, les 2 hommes ont proféré des insultes à leur égard et se sont débattus. Pour les faire cesser, les policiers les ont forcés à se plier de façon à placer leur tête au niveau de leurs genoux. Une fois arrivés au commissariat, les 2 hommes ont vomi à plusieurs reprises, conduisant le chef de poste à demander, 45 minutes après leur arrivée, leur transfert vers l’hôpital. Leur transfert a été effectué 45 minutes après leur départ et, 45 minutes après leur arrivée à l’hôpital, un médecin a constaté que le père de la requérante était en arrêt cardiaque. A la suite de son admission en réanimation, celui-ci est décédé. Devant la Cour, la requérante alléguait que les mesures nécessaires à la protection du droit à la vie de son père n’ont pas été prises par la police à la suite de son arrestation, en violation de son droit à la vieet quel’enquête conduite sur ces faits n’a pas été effective. Sur le volet matériel de l’article 2 de la Convention, la Cour rappelle, tout d’abord, que tout recours à la force doit être rendu absolument nécessaire et être strictement proportionné aux buts légitimes visés. Les Etats contractants ont l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction et, a fortiori, lorsque la personne est détenue au vue de sa vulnérabilité. Tout décès survenu pendant la détention donne, dès lors, lieu à de fortes présomptions de fait, les autorités devant fournir une explication satisfaisante et convaincante sur celui-ci. La Cour souligne, ensuite, que l’usage de la force à bord du véhicule poursuivait le but légitime de neutraliser l’homme alors que son agitation faisait courir un risque pour sa sécurité et pour celles des autres passagers et usagers de la route et qu’il était strictement proportionné. Elle relève, cependant, que le père de la requérante est resté au commissariat sans faire l’objet d’une prise en charge pendant environ 1h15, ceci caractérisant un manquement de l’Etat à son obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie. La Cour conclut à la violation de l’article 2 de la Convention dans son volet matériel. Sur le volet procédural de l’article 2 de la Convention, la Cour rappelle que les autorités ont l’obligation de mener d’office une enquête officielle et effective, ce qui a été le cas en l’espèce. Les proches de la victime, parties civiles, ont eu accès à la procédure d’enquête et de nombreux actes d’enquête ont été réalisés, l’ensemble de ces actes ayant été effectués sous l’autorité et le contrôle d’un magistrat. Si la Cour constate que l’enquête a quelque peu manqué de célérité, cette constatation ne peut suffire à mettre en cause son effectivité dans son ensemble. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 2 de la Convention dans son volet procédural. (MG)