Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (Hongrie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 6 mars dernier, l’article 63 TFUE relatif à la libre circulation des capitaux (SEGRO, aff. jointes C-52/16 et C-113/16). Dans l’affaire au principal, une société hongroise détenue par des personnes résidentes en Allemagne et des ressortissants autrichiens s’est vue retirer, en vertu d’une nouvelle législation hongroise, ses droits d’usufruit sur des terrains agricoles en Hongrie. En effet, cet Etat membre a adopté une loi prévoyant que les droits d’usufruit ne peuvent être accordés ou maintenus que pour les personnes ayant un lien de parenté proche avec le propriétaire des terres agricoles concernées. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les droits d’usufruit antérieurement constitués sur des terres agricoles et dont les titulaires n’ont pas la qualité de proche parent du propriétaire de ces terres s’éteignent de plein droit et sont, en conséquence, radiés des registres fonciers. La Cour constate qu’une telle législation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux en ce qu’elle prive les personnes originaires d’autres Etats membres que la Hongrie de la possibilité de continuer à jouir de leurs droits d’usufruit et de les transmettre. La Cour estime que l’exigence d’un lien de parenté proche peut constituer une discrimination indirecte en raison de la nationalité de l’usufruitier, en ce qu’elle impacte davantage les ressortissants d’autres Etats membres que les ressortissants hongrois. S’agissant de la justification d’une telle restriction, la Cour écarte l’ensemble des justifications soulevées par la Hongrie, à savoir le fait qu’une telle mesure vise à réserver les terres productives aux personnes qui les exploitent effectivement et à empêcher cette exploitation à des fins spéculatives, à sanctionner les infractions à la réglementation nationale en matière de contrôle des changes et à lutter contre les pratiques visant à contourner la législation nationale. En effet, la Cour estime, notamment, que la législation en cause n’est pas proportionnée aux objectifs poursuivis. S’agissant de la dernière justification, elle considère que la législation hongroise crée une présomption générale selon laquelle les personnes n’ayant pas acquis un droit d’usufruit en vertu d’un lien de parenté ont agi de manière abusive, ce qui apparaît disproportionné. Partant, la Cour conclut qu’une législation nationale, telle que celle en cause au principal, est contraire au principe de libre circulation des capitaux. (MS)