Saisie d’une requête dirigée contre la Lituanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 février dernier, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Ramanauskas c. Lituanie (n°2), requête n°55146/14 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant lituanien, est avocat. Il a été mis en contact avec un détenu aux fins d’obtenir sa libération conditionnelle moyennant le versement de sommes d’argent. Le détenu a, par la suite, contacté les services de police. Ensemble, ils ont obtenu l’autorisation des autorités nationales de verser des sommes d’argent s’apparentant à des pots-de-vin au requérant, d’enregistrer secrètement leurs conversations et de surveiller celui-ci. A la suite de l’un des versements, le requérant a été arrêté par les autorités nationales et condamné pour des faits de corruption. Devant la Cour, il se plaignait de la violation de son droit à un procès équitable, estimant qu’il avait été incité à commettre l’infraction de corruption pour laquelle il a été condamné. La Cour reconnaît, d’une part, que l’augmentation de la criminalité organisée justifie l’emploi de mesures appropriées par les autorités nationales, telles que le recours à des agents infiltrés ou à des techniques d’enquête secrètes. Elle précise que ces opérations n’entravent pas, en soi, le droit à un procès équitable, si elles sont encadrées par des garanties procédurales claires, adéquates et suffisantes. La Cour rappelle, d’autre part, que l’examen des plaintes pour incitation à commettre une infraction doit se baser sur 2 critères. La Cour examine si l’enquête était essentiellement passive, c’est-à-dire s’il existait des soupçons objectifs de penser que la personne était prédisposée à commettre une infraction avant son approche par la police, ou si les autorités ont exercé une telle influence sur le requérant qu’elles l’ont incité à commettre une infraction qui, sans cela, n’aurait pas été commise. Elle examine également la manière dont les juridictions nationales ont traité le moyen du requérant relatif à l’incitation policière. Cette partie procédurale de l’examen doit être contradictoire, approfondie, exhaustive et concluante. En l’espèce, la Cour constate que l’affaire entre dans la catégorie des incitations policières et concerne un délit commis par un particulier agissant sous le contrôle de la police. Pour autant, elle relève qu’aucun élément ne suggère que les actions des policiers ont incité le requérant à commettre l’infraction pour laquelle il a été condamné car, au moment des versements des pots-de-vin, la police était déjà en possession d’informations suggérant qu’il avait effectivement demandé de l’argent au détenu. L’argent reçu ne constituait, en outre, pas une rémunération pour des services juridiques, puisqu’aucun contrat n’avait été conclu. La Cour ne relève donc aucune irrégularité dans la conduite de la procédure par les autorités internes et admet que, dans l’ensemble, les autorités de poursuite pénale peuvent être considérées comme ayant rejoint l’activité criminelle plutôt que comme l’ayant initiée. La Cour précise que l’utilisation ultérieure des éléments de preuve ainsi obtenus n’a pas soulevé de question au regard du droit à un procès équitable du requérant. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 de la Convention. (MG)