Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 1er février dernier, les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants et au droit au respect de la vie privée et familiale (V.C. c. Italie, requête n°54227/14). La requérante, ressortissante italienne, mineure à l’époque des faits, souffrait d’instabilité émotionnelle dès l’âge de 13 ans. Elle était victime d’addiction à l’alcool et à la drogue et, à la suite de sa participation à une fête durant laquelle la police est intervenue, elle a fait l’objet d’une enquête pénale. Ses parents ont, dès les 1ers mois de la procédure, exposé ses troubles psychologiques et les signes d’une personnalité « borderline » et asociale. La requérante a, par la suite, arrêté de fréquenter l’école, fait partie d’un réseau de prostitution au sujet duquel une enquête pénale a été ouverte. En décembre 2013, le tribunal pour enfants a décidé de confier la garde de la requérante aux services sociaux et a décidé son placement dans un établissement spécialisé. Celle-ci a accepté ce placement en janvier 2014 et celui-ci n’a été effectif qu’en avril 2014. Entre-temps, la requérante a été victime d’un viol. Devant la Cour, elle alléguait que, bien que mineure et victime d’un réseau de prostitution, elle n’a pas bénéficié de toutes les mesures de protection nécessaires de la part des autorités italiennes. Saisie dans ce contexte, la Cour considère qu’il ne fait aucun doute que les violences subies par la requérante entrent dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention et constituent une ingérence dans le droit de celle-ci au respect de son intégrité physique garanti par l’article 8 de la Convention. D’une part, la Cour estime que les autorités italiennes avaient connaissance de la conduite irrégulière de la mineure ainsi que des troubles psychologiques dont elle souffrait et, dès lors, étaient conscientes du risque réel et immédiat qu’elle encourait. D’autre part, la Cour relève que, si les autorités ont immédiatement déclenché une enquête pénale, aucune mesure de protection n’a été adoptée à l’égard de la requérante, à l’époque âgée de 15 ans. Ainsi, les services sociaux ont mis plus de 4 mois, entre décembre 2013 et avril 2014, pour mettre en œuvre le placement de la mineure alors que les risques que celle-ci soit victime d’exploitation sexuelle à cette époque étaient connus des autorités. La Cour conclut à un manque d’implication réelle desdits services dans l’exécution de la décision du tribunal pour enfants. Estimant qu’il incombait aux instances nationales de tenir compte de la vulnérabilité particulière de la requérante et de prendre des mesures adéquates rapidement, la Cour juge que les services sociaux n’ont adopté aucune mesure de protection à bref délai et n’ont donc pas fait preuve de la diligence requise. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 3 et 8 de la Convention. (JJ)