Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Szeged Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (Hongrie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 25 janvier dernier, l’article 4 de la directive 2011/95/UE concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (F, aff. C-473/16). Dans l’affaire au principal, le requérant a introduit une demande d’asile auprès des autorités hongroises, faisant valoir qu’il craignait d’être persécuté dans son pays d’origine en raison de son homosexualité. L’office hongrois a conclu à l’absence de crédibilité du témoignage, sur la base d’une expertise réalisée par un psychologue, et a rejeté ladite demande. Le requérant a formé un recours, arguant que les tests subis portaient gravement atteinte à ses droits fondamentaux et ne permettaient pas d’apprécier la vraisemblance de son orientation sexuelle. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur les points de savoir si l’article 4 de la directive s’oppose, d’une part, à ce que l’autorité responsable de l’examen des demandes de protection internationale ou les juridictions saisies de recours contre les décisions de celle-ci ordonnent une expertise dans le cadre de l’évaluation des faits et circonstances relatifs à l’orientation sexuelle d’un demandeur et, d’autre part, à la réalisation et l’utilisation d’une expertise psychologique telle que celle en cause au principal. S’agissant de la 1ère question, la Cour rappelle que l’orientation sexuelle constitue une caractéristique susceptible d’établir l’appartenance d’un demandeur à un certain groupe social. Pour autant, il n’est pas toujours nécessaire, selon la Cour, afin de se prononcer sur une demande de protection internationale motivée par une crainte de persécution sur ce motif, d’apprécier la crédibilité de l’orientation sexuelle du demandeur. Les dispositions de la directive énumèrent les éléments dont les autorités compétentes doivent tenir compte et ne limitent pas les moyens dont peuvent disposer ces autorités, en particulier, le recours aux expertises dans l’évaluation des faits et des circonstances. Si ces dispositions n’excluent pas d’ordonner une expertise, la Cour estime que la juridiction saisie ne saurait fonder sa décision sur les seules conclusions d’un rapport d’expertise. S’agissant de la 2nde question, la Cour rappelle que l’article 4 de la directive ne s’oppose pas à ce que l’autorité responsable ou les juridictions saisies ordonnent une expertise dans la mesure où les modalités de recours à celle-ci sont conformes aux droits fondamentaux garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Cour juge que la réalisation et l’utilisation d’une expertise telle que celle en cause au principal constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie privée. Son caractère approprié ne peut être admis, selon elle, que si celle-ci est fondée sur des méthodes et principes suffisamment fiables au regard des normes admises par la communauté scientifique internationale. L’incidence d’une expertise telle que celle en cause au principal apparaît démesurée par rapport au but visé, dans la mesure où la gravité de l’ingérence n’est pas proportionnée à son utilité pour l’évaluation des faits et circonstances en cause. Dès lors, la Cour considère que cette expertise n’est pas indispensable, la réalisation d’un entretien personnel mené par le personnel de l’autorité en cause étant suffisante à cet égard. Compte tenu du caractère approximatif et de l’intérêt limité d’une telle étude psychologique, la Cour juge que l’article 4 de la directive s’oppose à sa réalisation. (JJ)