Saisi d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Banque centrale européenne (« BCE »), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté, le 13 décembre dernier, le recours (Crédit Mutuel Arkéa c. BCE, aff. T-712/15). Dans l’affaire en cause, le requérant a fait part à la BCE de son analyse de l’impossibilité d’être soumis à la surveillance prudentielle que celle-ci exerce par l’intermédiaire de la Caisse nationale du Crédit Mutuel (« CNCM »), organe central du réseau dont il fait partie. En juin 2015, la BCE a adopté une décision fixant les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel dans laquelle elle soulignait être l’autorité de surveillance prudentielle sur une base consolidée de la CNCM et l’autorité compétente chargée de la surveillance des entités énumérées dans cette décision. Le requérant a demandé le réexamen de cette décision devant la commission compétente, laquelle a rendu un avis concluant à la légalité de la décision de la BCE. En octobre 2015, cette dernière a adopté une 2nde décision remplaçant la précédente tout en conservant son contenu. Saisi dans ce contexte, le Tribunal s’est prononcé sur les 3 moyens avancés par le requérant. S’agissant des moyens selon lesquels la BCE a réalisé une mauvaise interprétation de l’article 2 §21, sous c), du règlement 468/2014/UE établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales, dit « règlement-cadre MSU » et de l’article 10 §1 du règlement 575/2013/UE concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, le Tribunal observe que ces textes doivent être interprétés en tenant compte de l’intention du législateur de permettre à la BCE de disposer d’une vue globale sur l’ensemble des risques susceptibles d’affecter un établissement de crédit ainsi que d’éviter un fractionnement de la surveillance prudentielle entre la BCE et les autorités nationales. En outre, elle relève qu’il est toujours loisible à une autorité compétente de refuser le bénéfice d’une exemption individuelle aux obligations du règlement 575/2013/UE, prévue à l’article 10 de ce même règlement, dans la mesure où, dans le règlement-cadre MSU, celle-ci demeure une simple faculté pour l’autorité compétente. Il considère que l’impossibilité pour la BCE d’exercer des prérogatives de surveillance à l’égard d’un organisme central ne disposant pas de la qualité d’établissement de crédit ne constitue pas un obstacle dirimant à la conduite d’une telle surveillance dès lors qu’elle est en mesure de faire usage de ses prérogatives à l’égard des entités affiliées à l’organisme en cause. De plus, le Tribunal estime que la notion d’ « engagements solidaires » prévus à l’article 10 §1, sous a), du règlement 575/2013/UE peut correspondre à une obligation de transfert de fonds propres et de liquidités au sein du groupe aux fins de s’assurer que les obligations à l’égard des créanciers soient remplies. S’agissant du dernier moyen, selon lequel la décision est entachée d’une erreur de droit et d’erreurs d’appréciation, le Tribunal rappelle qu’en cas d’appréciations complexes, les autorités de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation, de telle sorte que le contrôle du juge de l’Union est limité. Dans ce contexte, le Tribunal considère que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant que la perte du mécanisme de solidarité consécutive à une sortie du groupe Crédit mutuel pourrait avoir une incidence négative sur les notations externes du requérant et sur ses coûts de refinancement. Le Tribunal rejette les 3 moyens avancés par le requérant et, partant, rejette le recours dans son intégralité. (JJ)