Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Corte costituzionale (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 5 décembre dernier, l’article 325 TFUE relatif à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne (M.A.S. et M.B., aff. C-42/17). Dans les affaires au principal, 2 personnes ont fait l’objet de poursuites pénales pour des cas de fraudes graves en matière de TVA. Les juridictions italiennes ont relevé qu’en application des dispositions du code pénal italien, les infractions en cause devraient être prescrites. Toutefois, elles ont constaté que la Cour a jugé, dans l’arrêt Taricco (aff. C-105/14), que l’application de ces dispositions, prévoyant qu’un acte interruptif intervenant dans le cadre de poursuites pénales portant sur des fraudes graves en matière de TVA a pour effet de prolonger le délai de prescription de seulement un quart de sa durée initiale, serait contraire à l’article 325 TFUE, dès lors qu’elle empêcherait l’infliction de sanctions effectives et dissuasives dans un grand nombre des cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou que les dispositions prévoiraient des délais de prescription plus longs pour les cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Etat membre concerné que pour ceux portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. La Cour a jugé, également, qu’il incombait aux juridictions nationales de donner plein effet à l’article 325 TFUE en laissant, au besoin, inappliquées les dispositions du droit national contraires. Les juridictions ont estimé qu’elles devraient, en application de cet arrêt, laisser inappliqué le délai de prescription pour statuer sur le fond. Néanmoins, elles se sont interrogées sur la compatibilité de cette solution avec le principe de légalité des délits et des peines. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 325 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il impose au juge national de laisser inappliquées, dans le cadre d’une procédure pénale concernant des infractions relatives à la TVA, des dispositions internes en matière de prescription qui apparaissent incompatibles avec le droit de l’Union, y compris lorsque la mise en œuvre de cette obligation entraînerait une violation du principe de légalité des délits et des peines, en raison d’un défaut de précision de la loi applicable ou au motif d’une application rétroactive de cette dernière. La Cour relève que les obligations des Etats membres prévues par l’article 325 TFUE ne sont assorties d’aucune condition quant à leur mise en œuvre et qu’il appartient aux juridictions nationales de leur donner plein effet. A cet égard, elle estime qu’il appartient, au premier chef, au législateur national de prévoir des règles de prescription conformes à l’article 325 TFUE. Toutefois, la Cour rappelle l’importance que revêt le principe de légalité des délits et des peines dans ses exigences relatives à la prévisibilité, à la précision et à la non-rétroactivité de la loi pénale, lequel est consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention européenne des droits de l’homme et fait partie des traditions constitutionnelles communes des Etats membres. Partant, la Cour conclut que si le juge national est amené à considérer que l’obligation de laisser inappliquées les dispositions du code pénal en cause se heurte au principe de légalité des délits et des peines, il ne serait pas tenu de se conformer à cette obligation, même si cela permettrait de remédier à une situation d’incompatibilité avec le droit de l’Union. (MS)