Saisie d’une requête dirigée contre le Portugal, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 19 décembre dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal, requête n°56080/13). La requérante, ressortissante portugaise, a perdu son époux à la suite de problèmes médicaux survenus après une opération chirurgicale bénigne. Elle a été déboutée de tous ses recours formés contre le personnel médical au motif qu’aucun élément ne démontrait sa responsabilité dans la mort du patient. Devant la Cour, elle alléguait que le décès de son époux était dû à la négligence et à l’imprudence du personnel médical et que les autorités n’avaient pas dûment élucidé la cause précise de la dégradation de son Etat de santé. Dans un 1er arrêt, la Cour, considérant qu’un dysfonctionnement du service public hospitalier avait privé le patient de la possibilité d’avoir accès à des soins d’urgence appropriés et que les autorités nationales n’avaient pas traité les allégations portées par la requérante d’une manière compatible avec les exigences procédurales découlant de l’article 2 de la Convention, a conclu à la violation de cette disposition dans son volet matériel ainsi que dans son volet procédural. S’agissant de l’article 2 de la Convention dans son volet matériel, la Cour considère que cette affaire a pour objet des allégations de négligence médicale et que les obligations positives pesant sur le Portugal se limitent à la mise en place d’un cadre réglementaire adéquat imposant aux hôpitaux, qu’ils soient privés ou publics, d’adopter des mesures appropriées pour protéger la vie des patients. Compte tenu des règles et normes détaillées fixées dans le droit et la pratique interne du Portugal en la matière, la Cour estime que le cadre règlementaire en vigueur ne révèle aucun manquement de la part de l’Etat à l’obligation qui lui incombait de protéger le droit à la vie du mari de la requérante. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 2 de la Convention dans son volet matériel. S’agissant de l’article 2 de la Convention dans son volet procédural, la Cour rappelle, tout d’abord, qu’en cas de négligence médicale, le droit portugais prévoit la possibilité d’obtenir l’ouverture d’une procédure pénale et de saisir les autorités nationales ainsi que les tribunaux administratifs. Elle observe que la procédure engagée par la requérante devant l’Inspection générale de la santé a présenté un défaut de célérité, que la durée de la procédure menée devant l’Ordre des médecins était déraisonnable, que la procédure pénale n’a pas été effective et que l’action en indemnisation engagée devant les juridictions administratives n’a pas fourni à la requérante une réparation appropriée, et a, par ailleurs, été trop longue. La Cour observe, ensuite, qu’au lieu de procéder à une appréciation globale de la situation, les juridictions internes ont considéré la séquence d’événements comme une succession de problèmes médicaux, sans accorder d’attention particulière à la manière dont ceux-ci pouvaient avoir un lien entre eux. Enfin, la Cour considère que, face à un grief défendable dans le cadre duquel la requérante alléguait qu’une négligence médicale avait abouti au décès de son mari, les autorités nationales n’ont pas apporté une réponse adéquate et suffisamment prompte. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 2 de la Convention dans son volet procédural. (MT)