Saisie d’une demande de mesures provisoires par la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne a accueilli, le 20 novembre dernier, celleci (Commission c. Pologne, aff. C-441/17 R). Dans l’affaire en cause, invoquant la propagation du bostryche typographe, un insecte coléoptère creusant des galeries dans le bois, le gouvernement polonais a approuvé une opération d’enlèvement d’arbres secs et d’arbres colonisés par le coléoptère dans 3 districts forestiers sur environ 34 000 hectares d’un site Natura 2000. Dans le cadre d’un recours en manquement introduit contre la Pologne, la Commission a demandé à la Cour d’ordonner à cet Etat membre de cesser les opérations de gestion forestière active dans les habitats en cause, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond. La Cour rappelle les 3 conditions cumulatives à remplir afin d’obtenir l’octroi de mesures provisoires, à savoir, le fumus boni juris, l’urgence et la mise en balance des intérêts. S’agissant du fumus boni juris, qui consiste à déterminer si un recours n’est pas dépourvu de fondement sérieux, la Cour considère que les arguments avancés par la Commission n’apparaissent pas, à première vue, dépourvus de fondement sérieux et qu’il ne saurait donc être exclu que les opérations de gestion forestière active ne respectent pas les exigences découlant de la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive habitats », et de la directive 2009/147/CE, dite « directive oiseaux ». Compte tenu, également, du principe de précaution à la lumière duquel cette législation doit être interprétée, la Cour juge que le recours au principal ne peut être considéré à première vue comme dépourvu de fondement sérieux. S’agissant de l’urgence, la Cour estime qu’il semble très probable que l’enlèvement des arbres en cause ait une incidence pour les habitats de différentes espèces animales et que la Pologne ne conteste pas ce fait. Elle juge, dès lors, que de telles conséquences sont susceptibles de constituer un préjudice grave et irréparable pour les intérêts de l’Union et pour le patrimoine commun. Une fois survenu, le préjudice résultant des coupes ne pourrait être réparé ultérieurement, dans l’hypothèse où les manquements reprochés seraient constatés. S’agissant de la mise en balance des intérêts, les conséquences d’une cessation des opérations de coupe sur certains habitats ne seraient qu’indirectes et dépendraient, selon la Cour, de la propagation effective du coléoptère et du caractère nuisible de cette propagation. Ladite cessation, pendant une période de quelques mois, ne saurait avoir des effets aussi préjudiciables que ceux causés par la poursuite de ces opérations. Partant, la Cour ordonne que la Pologne cesse, immédiatement et jusqu’au prononcé de l’arrêt qui mettra fin à cette affaire, les opérations de gestion forestière en cause. Elle estime, néanmoins, que la Pologne peut poursuivre ces mesures lorsque celles-ci sont strictement nécessaires et proportionnées afin d’assurer de manière directe et immédiate la sécurité publique des personnes. S’agissant, par ailleurs, de l’octroi d’astreintes en raison du non-respect par la Pologne des mesures provisoires ordonnées dans l’ordonnance du 27 juillet dernier (Commission c. Pologne, aff. C-441/17 R), la Cour s’estime compétente pour adopter de telles mesures dans le cadre de sa fonction de juge des référés et demande que la Pologne communique à la Commission, dans les 15 jours, toutes les mesures adoptées afin d’assurer le respect de l’ordonnance du 20 novembre. Si la Commission devait considérer que la Pologne n’a pas respecté ladite ordonnance, elle pourra demander que la procédure soit reprise et que la Cour ordonne à la Pologne de payer une astreinte d’au moins 100 000 euros par jour. Partant, elle réserve la décision sur la demande d’astreintes. (JJ)