Saisie d’une requête dirigée contre la Géorgie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 28 novembre dernier, les articles 5 §1 et §3 et 18 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à la liberté et à la sûreté, au droit d’un détenu d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure et à la limitation de l’usage des restrictions aux droits (Merabishvili c. Géorgie, requête n°72508/13). Le requérant, ressortissant géorgien et ancien Premier ministre de ce pays, a été arrêté et détenu provisoirement à la suite de l’ouverture de plusieurs procédures pénales dirigées contre lui, après que son parti politique est devenu le principal parti d’opposition en Géorgie. Il a formulé, à plusieurs reprises, des demandes de mise en liberté, lesquelles ont été rejetées. Devant la Cour, il alléguait que son arrestation et sa détention provisoire étaient illégales et injustifiées, que les juridictions nationales n’avaient pas prévu de durée maximale précise pour sa détention provisoire ni énoncé des motifs pertinents et suffisants pour justifier celle-ci, que les décisions judiciaires de rejet de ses demandes de mise en liberté étaient dépourvues de motivation et que le but des procédures pénales dirigées contre lui et de sa détention provisoire était de l’exclure de la scène politique géorgienne. Dans un 1er arrêt, la Cour, après avoir jugé que la détention provisoire du requérant était régulière et fondée sur des motifs raisonnables mais qu’elle avait été utilisée comme un moyen d’exercer des pressions sur celui-ci, a conclu à la non-violation de l’article 5 §1 et §3 de la Convention concernant la régularité et la motivation des décisions judiciaires ordonnant le placement en détention provisoire du requérant, à la violation de l’article 5 §3 concernant la décision judiciaire contrôlant la détention provisoire de celui-ci et à la violation de l’article 18 combiné avec l’article 5 §1 de la Convention. S’agissant de l’article 5 §1 de la Convention, la Cour observe, d’une part, que le requérant n’a pas soutenu que son arrestation et sa détention provisoire ne se fondaient pas sur des raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis les infractions en question. Elle relève, d’autre part, que les règles régissant sa détention provisoire n’étaient pas source d’incertitude, qu’il n’existait pas de risque que cette détention dure indéfiniment, et que l’intéressé avait été condamné 8 mois et 27 jours après son arrestation. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 5 §1 de la Convention en ce qui concerne tant l’arrestation du requérant que sa détention provisoire prise isolément. S’agissant de l’article 5 §3 de la Convention, la Cour relève que la juridiction nationale compétente a énoncé des motifs pertinents pour placer le requérant en détention provisoire, à savoir les risques de fuite et de pression sur les témoins, lesquels, pour autant, ne suffisaient pas à justifier sa décision de prolongation de la détention provisoire. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 5 §3 en ce qui concerne la phase initiale de la détention provisoire du requérant, mais à la violation de cette disposition quant à la persistance des motifs justifiant le maintien de celui-ci en détention provisoire. S’agissant de l’article 18 combiné avec l’article 5 §1 de la Convention, la Cour relève que les éléments avancés par le requérant n’étaient pas suffisants pour prouver que le but prédominant de cette détention était de l’empêcher de participer à la vie politique géorgienne, mais estime suffisamment convaincantes, et donc prouvées, les allégations de ce dernier selon lesquelles il a été secrètement extrait de sa cellule de prison pour être interrogé. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 18 combiné avec l’article 5 §1 de la Convention. (MT)