Saisie d’une requête dirigée contre le Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 7 novembre dernier, les articles 3, 5 §3, 6 §3 sous c), et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, au droit pour toute personne arrêtée ou détenue d’être aussitôt traduite devant un juge ou magistrat et d’être jugée dans un délai raisonnable, au droit à bénéficier de l’assistance d’un défenseur de son choix et au droit au respect à la vie privée (Dudchenko c. Russie, requête n°37717/05 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant russe, était suspecté d’être à la tête d’une organisation criminelle. Le juge d’instruction chargé de l’enquête a autorisé des mesures d’écoutes sur le téléphone portable du requérant. Ce dernier, après avoir été mis en détention provisoire pendant plus de 2 ans, a finalement été condamné à 13 ans de prison sur la base de ces écoutes avec son avocat et l’un de ses complices allégués. En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, le requérant alléguait avoir été victime de traitements inhumains durant sa détention et son transport entre les différentes prisons dans lesquelles il a été incarcéré. La Cour constate que le requérant a apporté des preuves démontrant la surpopulation de la prison et sa privation de nourriture durant 4 jours de transport. Partant, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. En ce qui concerne l’article 5 §3 de la Convention, la Cour constate qu’aucun argument n’a été avancé par le gouvernement russe, hormis la gravité des faits dont il était soupçonné, pour justifier une détention provisoire de 2 ans et 4 mois avant d’être jugé. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 5 §3 de la Convention. En ce qui concerne l’article 6 §3 sous c), de la Convention, la Cour considère que le refus par les autorités russes d’autoriser le frère du requérant à le représenter en justice ne constitue pas une violation de la Convention, étant donné qu’excepté la période de 2 mois durant laquelle l’assistance de son frère lui a été refusée lors des interrogatoires, le requérant a toujours été représenté par la personne de son choix. Partant, la Cour conclut à la non violation de l’article 6 §3 sous c). En ce qui concerne l’article 8 de la Convention, le requérant alléguait que les conversations avec son avocat étant protégées par le secret professionnel, celles-ci ne peuvent pas être utilisées comme moyen de preuve. La Cour rappelle, tout d’abord, que les écoutes téléphoniques constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie privée du requérant. Ensuite, la Cour note, que celle-ci a déjà eu à se prononcer sur les articles du code de procédure pénale russe concernés. Elle avait alors considéré que le droit russe n’était pas conforme aux exigences de la Convention. A cet égard, elle constate que l’ingérence ne peut être considérée comme étant nécessaire dans une société démocratique dans la mesure où le juge d’instruction ordonnant les mesures n’a eu ni à démontrer l’existence d’un soupçon raisonnable à l’encontre du requérant ni à procéder au test de proportionnalité. En outre, la Cour estime que la loi russe, par son manque de clarté et de précision, ne prévoit pas les garanties nécessaires afin de prévenir tout abus de la part des autorités. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (EH)