Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 26 octobre dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (Cirino et Renne c. Italie, requêtes n°2539/13 et 4705/13 – disponibles uniquement en anglais). Les requérants, ressortissants italiens, ont été placés en isolement à la suite d’une altercation avec un surveillant pénitentiaire. Ces derniers sont restés nus plusieurs jours dans des cellules dépourvues de literie, d’équipements sanitaires et de chauffage. Ils ont, également, été soumis à un rationnement d’eau et de nourriture et ont été régulièrement battus. La juridiction nationale a considéré que les actes des gardiens pouvaient effectivement être qualifiés d’actes de torture au regard de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais que, l’Italie n’ayant pas transposé ladite Convention en droit interne, il n’existait pas de dispositions en droit italien permettant de qualifier ces actes de torture. En outre, les délais de prescription relatifs aux infractions d’abus d’autorité sur personne détenue et de coups et blessures ayant expiré, le juge a rendu une décision de non-lieu. Devant la Cour, les requérants alléguaient, d’une part, que les mauvais traitements qu’ils avaient subis en détention étaient constitutifs d’actes de torture et que les sanctions infligées aux responsables étaient insuffisantes et, d’autre part, que l’Italie avait manqué à son obligation d’adopter les mesures nécessaires pour prévenir les mauvais traitements qu’ils avaient subis. La Cour examine, d’une part, le volet matériel de l’article 3 de la Convention. Elle commence par observer que les faits, tels que décrits par les requérants, sont avérés. Elle en déduit que ces traitements, ayant provoqué de très graves et cruelles souffrances, ont été infligés délibérément et de manière préméditée aux requérants, dans le but avoué de les punir. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention en son volet matériel. La Cour examine, d’autre part, le volet procédural de l’article 3 de la Convention. Elle relève que l’insuffisance des sanctions infligées aux responsables était due à l’absence de dispositions légales permettant de qualifier les actes de torture. Elle estime que le cœur du problème réside dans la défaillance systémique du cadre pénal italien. En effet, la Cour observe qu’une procédure disciplinaire ne constitue pas une réponse satisfaisante à des actes de torture et que seule une répression pénale est susceptible d’avoir l’effet préventif nécessaire. Partant, la Cour conclut, également, à la violation de l’article 3 de la Convention en son volet procédural. (CB)