Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Slovaquie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 27 septembre dernier, l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, ainsi que l’article 7 de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, lequel concerne les conditions de licéité des traitements de données (Puškár, aff. C-73/16). Dans l’affaire au principal, le requérant a été inscrit par les autorités fiscales slovaques sur une liste rassemblant les personnes physiques servant de prête-nom pour occuper des fonctions de direction. Il a demandé la suppression de cette inscription qui en vertu de son droit à la protection des données à caractère personnel. Ses demandes ont été rejetées pour des raisons liées à la procédure et au fond. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur les points de savoir si le droit de l’Union européenne s’oppose, premièrement, à une législation nationale qui subordonne l’exercice d’un recours juridictionnel par une personne arguant d’une atteinte à son droit à la protection des données à caractère personnel à l’épuisement des voies de recours administratives disponibles, deuxièmement, à ce qu’une juridiction nationale rejette en tant que moyen de preuve d’une violation de la protection des données personnelles, une liste présentée par la personne concernée, contenant ses données, obtenue sans le consentement légalement requis du responsable du traitement et troisièmement, à un traitement de données personnelles par les autorités nationales aux fins de la perception de l’impôt et de la lutte contre la fraude fiscale, sans le consentement des personnes concernées. S’agissant de la 1ère question, la Cour constate que l’obligation d’épuisement des voies de recours administratives constitue une limitation du droit à un recours effectif devant un tribunal pouvant être justifiée. Elle estime, notamment, qu’une telle exigence ne doit pas affecter de manière disproportionnée le droit à un recours effectif, en ce qu’elle ne doit pas entraîner de retard substantiel pour l’introduction d’un recours juridictionnel ni occasionner de frais excessifs et doit permettre la suspension de la prescription des droits concernés. S’agissant de la 2ème question, la Cour constate que le rejet de la liste litigieuse comme moyen de preuve constitue une limitation du droit à un recours effectif et estime qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle limitation est justifiée en ce qu’elle est prévue par la législation nationale et qu’elle respecte à la fois le contenu essentiel du droit à un recours effectif et le principe de proportionnalité. S’agissant de la 3ème question, la Cour considère que l’établissement de la liste litigieuse, justifié par la perception de l’impôt et la lutte contre la fraude fiscale, doit être considéré comme un traitement nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public, comme le prévoit la directive. Toutefois, elle précise qu’il appartient au juge national, d’une part, de s’assurer que les autorités slovaques ont bien été légalement investies d’une telle mission, que l’établissement de la liste et l’inscription des personnes concernées sont effectivement aptes et nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis et qu’il existe des indices suffisants pour présumer que les personnes concernées figurent à juste titre sur ladite liste. Elle estime qu’il appartient au juge national, d’autre part, de s’assurer du respect de toutes les autres conditions de licéité de traitement des données prévues par la directive. (MS)