Saisie d’une requête dirigée contre la Hongrie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 5 septembre dernier, l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 14 de la Convention relatifs, respectivement, à la protection de la propriété et à l’interdiction de la discrimination (Fábián c. Hongrie, requête n°78117/13). Le requérant, ressortissant hongrois, a perçu pendant plusieurs années une pension de retraite bien qu’il continuait d’exercer une activité professionnelle, d’abord dans le secteur privé puis dans le secteur public. A la suite d’une modification législative prévoyant la suspension du versement des pensions de retraite aux personnes occupant simultanément un emploi dans certaines parties de la fonction publique pendant toute la période où les intéressés restaient en activité, il s’est vu suspendre ces versements. Devant la Cour, le requérant alléguait que cette suspension emportait violation de son droit à la protection de la propriété et que sa différence de traitement par rapport aux bénéficiaires d’une pension de retraite travaillant dans le secteur privé et aux bénéficiaires d’une pension de retraite travaillant dans certaines parties du secteur public, emportait violation du même droit combiné à son droit à l’interdiction de la discrimination. La Cour a déjà conclu à l’unanimité à la violation de l’article 14 combiné à l’article 1er du Protocole n°1 de la Convention mais a considéré qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si les faits de la cause emportaient également violation de l’article 1er du Protocole n°1 pris isolément. S’agissant de ce dernier pris isolément, compte tenu de l’ample marge d’appréciation dont l’Etat dispose en la matière ainsi que des objectifs légitimes consistant à ménager les finances publiques et à assurer la pérennité du système de retraite hongrois, la Cour juge qu’un juste équilibre a été trouvé entre, d’une part, les exigences de l’intérêt général de la collectivité et, d’autre part, les impératifs de a protection des droits fondamentaux du requérant, lequel n’a pas eu à supporter de charge individuelle exorbitante. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 1er du Protocole n°1 pris isolément. S’agissant de l’article 14 de la Convention combiné à l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention, la Cour estime que le requérant n’a pas démontré que, en qualité d’agent de la fonction publique dont l’emploi, la rémunération et les prestations sociales dépendaient du budget de l’Etat, il se trouvait dans une situation comparable à celle des retraités travaillant dans le secteur privé, dont les salaires étaient financés par des budgets privés échappant au contrôle direct de l’Etat. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 14 combiné avec l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention. (MT)