Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’Etat (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 7 septembre dernier, les articles 49 et 63 TFUE et l’article 1er §2 de la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents (Eqiom & Enka, aff. C-6/16). Dans l’affaire au principal, Eqiom, société de droit français, est une filiale d’Enka, société de droit luxembourgeois, qui la détient à 100%. La 1ère a versé à la 2nde des dividendes au cours des années 2005 et 2006 et les 2 sociétés ont alors sollicité le bénéfice de l’exonération de retenue à la source prévue par le droit français. L’administration a opposé un refus à leur demande en vertu d’une disposition nationale qui prévoit qu’une telle exonération ne s’applique pas lorsque des dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’Etats qui ne sont pas membres de l’Union européenne, Enka étant détenue par une société de droit chypriote, elle-même entièrement contrôlée par une société établie en Suisse. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si, d’une part, l’article 1er §2 de la directive et, d’autre part, l’article 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation fiscale nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’octroi de l’exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale résidente à une société mère non-résidente, lorsque cette société mère est contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’Etats tiers – à la condition que celle-ci établisse que la chaîne de participations n’a pas comme l’un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération. D’une part, la Cour estime que, si la directive limite la compétence des Etats membres, lesquels ne sauraient subordonner le droit de bénéficier de l’exonération de retenue à la source à différentes conditions, l’article 1er §2 de la directive prévoit qu’elle ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nécessaires afin d’éviter les fraudes et les abus. Pour autant, cette législation nationale doit être nécessaire ce qui signifie que son objectif spécifique doit être de faire obstacle à la création de montages purement artificiels dont le but est de bénéficier indûment d’un avantage fiscal. En l’occurrence, la Cour relève que la législation en cause vise, de manière générale, toute situation dans laquelle une société mère contrôlée directement ou indirectement par des résidents d’Etat tiers a son siège en dehors de France. Elle crée donc une présomption générale de fraude et d’abus et porte, dès lors, atteinte à l’objectif de la directive. D’autre part, la Cour juge que la différence de traitement en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement qui ne saurait être admise que si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. A cet égard, elle estime qu’il s’agit de situations comparables et que l’objectif visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ne saurait justifier une telle entrave. Partant, la Cour considère que tant l’article 1er §2 de la directive que l’article 49 TFUE s’opposent à une législation fiscale nationale telle que celle en cause au principal. (JJ)