Saisie d’une requête dirigée contre la Lituanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 2 mai dernier, l’article 5 §3 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit à être jugé dans un délai raisonnable ou à être libéré pendant la procédure (Lisovskij c. Lituanie, requête n°36249/14 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant lituanien, a été mis en détention provisoire en décembre 2009 du fait qu’il était soupçonné d’être associé à une bande criminelle armée qui possédait et distribuait de grandes quantités de stupéfiants. Il est resté en détention provisoire jusqu’en mai 2014 au motif qu’il risquait de s’enfuir ou de commettre d’autres infractions et que l’affaire était particulièrement complexe. Devant la Cour, il soutenait que son droit à être jugé dans un délai raisonnable ou à être libéré pendant la procédure avait été violé en raison du caractère injustifié et excessif de la durée de la détention provisoire. La Cour rappelle qu’en principe, la question de la durée raisonnable d’une détention provisoire ne peut pas être évaluée in abstracto mais seulement in concreto en prenant en compte les caractéristiques spécifiques de chaque affaire. En l’espèce, des crimes commis en bande organisée étaient en cause et la Cour considère comme raisonnables les soupçons des juridictions nationales relatifs à la participation du requérant aux crimes pour lesquels il était accusé. Par ailleurs, elle observe que les juridictions nationales examinaient tous les 3 mois de manière approfondie les motifs concrets du maintien en détention du requérant. Cependant, la Cour note qu’une fois le dossier renvoyé en jugement devant la juridiction de première instance en décembre 2010, les autorités nationales n’ont pas montré une diligence particulière dans la conduite de la procédure. En effet, 52 auditions étaient programmées en moyenne une fois par mois. Toutefois, près de la moitié de celles-ci avaient été ajournées, surtout pour défaut de comparution de témoins ou de coaccusés, ce qui a conduit à une absence d’auditions pendant une période de 2 ans. Ces retards ne pouvaient pas être imputés au requérant et les autorités nationales n’avaient pris aucune mesure afin d’accélérer le déroulement de la procédure. Elles n’ont pas non plus avancé de quelconques circonstances exceptionnelles, telle que la nécessité de recueillir des preuves à l’étranger ou de demander une assistance juridique internationale, qui auraient pu justifier le maintien de la détention provisoire. Partant, la Cour considère que la durée de celle-ci était excessive et injustifiée et conclut à la violation de l’article 5 §3 de la Convention. (DT)