Saisie d’une requête dirigée contre la Croatie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 4 avril dernier, les articles 8 et 6 §1 de la Convention européenne de droit de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect à la vie privée et familiale et au droit à un procès équitable (Matanović c. Croatie, requête n°2742/12 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant croate et ancien vice-président d’un fonds croate de privatisation, a été condamné en 2009 pour corruption. Devant la Cour, il soutenait que son droit à la vie privée et familiale avait été violé en raison de la surveillance secrète dont il avait fait l’objet et que les autorités croates n’avaient pas respecté son droit à un procès équitable puisque, d’une part, elles l’avaient incité à commettre certaines infractions et, d’autre part, elles avaient refusé de lui communiquer certains éléments de preuve. S’agissant de la violation alléguée de l’article 8 de la Convention, la Cour reconnait que la loi croate, telle qu’interprétée par les juridictions nationales, n’était pas suffisamment claire quant au pouvoir des autorités d’ordonner des mesures de surveillance et n’a pas offert, en l’espèce, des garanties suffisantes contre des abus éventuels. En outre, le juge croate n’a pas précisé les raisons pour lesquelles il y avait impossibilité de mener l’enquête par d’autres moyens moins attentatoires à la vie privée. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 6 §1 de la Convention, en ce qui concerne l’allégation d’incitation à des infractions, la Cour observe qu’il ressort clairement du dossier que les autorités de poursuites et l’agent de renseignement ont investigué de manière passive sur les activités du requérant et qu’ils n’ont pas incité ce dernier à commettre des infractions qu’il n’aurait pas commises autrement. En revanche, en ce qui concerne la non-communication de certains éléments de preuves obtenus grâce à la surveillance secrète, la Cour affirme que le droit croate ne prévoit aucune procédure appropriée permettant d’apprécier la pertinence des preuves obtenues par les autorités de poursuite. Ce vide juridique a privé le requérant de l’opportunité de participer à cette décision adoptée unilatéralement par les autorités de poursuites. Par ailleurs, la Cour note que les juridictions nationales n’ont pas justifié la restriction ainsi apportée aux droits de la défense et, partant, conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (DT)