Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’Etat (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 8 mars dernier, l’article 11 de la directive 90/434/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’Etats membres différents, lequel permet à un Etat d’écarter les dispositions de la directive lorsque l’opération concernée a pour objectif la fraude ou l’évasion fiscales (Euro Park Service, aff. C-14/16). Dans l’affaire au principal, une société française a été dissoute sans liquidation de la part et au profit de son associé unique, une société luxembourgeoise. Ayant opté pour le régime spécial des fusions prévu par la législation française, elle n’a pas soumis à l’impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés sur les actifs dont elle avait fait apport à son associé unique. L’administration fiscale a remis en cause le bénéfice de ce régime du fait, d’une part, qu’aucun agrément ministériel prévu par la loi française n’a été demandé et, d’autre part, que l’opération aurait poursuivi un objectif de fraude ou d’évasion fiscales. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le droit de l’Union européenne s’oppose à une législation nationale qui soumet, dans le cadre d’une fusion transfrontalière, l’octroi d’avantages fiscaux prévus par la directive, à une procédure d’agrément préalable par laquelle le contribuable doit justifier le motif économique de l’opération et qu’elle n’a pas pour objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales, alors que ces avantages sont accordés dans le cadre d’une fusion nationale sans que le contribuable soit soumis à une telle procédure. S’agissant de la procédure préalable, la Cour relève que la législation française va à l’encontre du principe de sécurité juridique, les modalités d’octroi de l’avantage fiscal que les contribuables peuvent tirer de la directive n’étant pas suffisamment précises, claires et prévisibles, au regard de la différence entre la pratique de l’administration fiscale et ce qui est prévu par la législation. Elle précise qu’une décision de l’administration refusant au contribuable le bénéfice d’un avantage fiscal au titre de la directive doit toujours être motivée afin que ce dernier puisse vérifier le bien-fondé des motifs du refus et faire valoir ses droits. A cet égard, le mécanisme de décision implicite de rejet apparaît contraire à l’exigence de sécurité juridique. S’agissant des conditions d’obtention des avantages fiscaux prévus par la directive, la Cour considère que les Etats membres ne sauraient avoir recours à une présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales. Or, la Cour considère qu’une telle présomption existe lorsque le contribuable doit justifier de manière systématique et inconditionnelle que l’opération concernée poursuit un motif économique et que celle-ci n’a pas pour objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales, sans que l’administration soit tenue de fournir un commencement de preuve de l’absence de ce motif ou de l’existence de cet objectif. Partant, elle conclut que la directive s’oppose à une législation telle que celle au principal. (MS)