Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 24 janvier dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Paradiso et Campanelli c. Italie, requête n°25358/12). Les requérants, ressortissants italiens, ont eu recours à une mère porteuse en Russie dans le cadre d’une convention de gestation pour autrui. A leur retour en Italie avec l’enfant né, une enquête a été ouverte par les autorités italiennes, à la suite de laquelle les autorités ont conclu à l’absence de lien biologique entre l’enfant et les parents. Les juridictions internes ont refusé d’enregistrer l’acte de naissance dressé en Russie et ont ordonné l’éloignement de l’enfant des requérants, sa prise en charge par les services sociaux et son placement en foyer. Par un arrêt du 27 janvier 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention, estimant qu’un éloignement de l’enfant était une mesure disproportionnée ne préservant pas le juste équilibre entre l’intérêt général et les intérêts privés en jeu. Saisie dans ce contexte, la Grande chambre de la Cour examine, tout d’abord, si les faits relèvent de la vie familiale ou de la vie privée. A cet égard, constatant l’absence de tout lien biologique entre l’enfant et les parents d’intention, la courte durée de la relation avec l’enfant et la précarité des liens du point de vue juridique, et malgré l’existence d’un projet parental et la qualité des liens affectifs, elle estime que les conditions permettant de conclure à l’existence d’une vie familiale de facto ne sont pas remplies, mais considère que les mesures litigieuses relèvent de la vie privée des requérants. S’agissant, ensuite, de l’ingérence, la Cour constate que la mesure d’éloignement était prévue par la loi et répondait à un but légitime. Concernant son caractère nécessaire dans une société démocratique, elle rappelle que les Etats membres jouissent d’une large marge d’appréciation compte tenu du sujet éthiquement sensible. S’agissant de la question de la balance des intérêts en jeu, la Cour affirme que l’intérêt général en cause est d’une grande importance, alors que, comparativement, il convient d’accorder une moindre importance à l’intérêt des requérants à assurer leur développement personnel par la poursuite de leurs relations avec l’enfant. Elle considère qu’accepter de laisser l’enfant avec les requérants serait revenu à légaliser la situation créée par eux en violation de règles importantes du droit italien et, partant, conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (JL)