Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 17 janvier dernier, l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, à l’interdiction de la discrimination et au droit au respect de la vie privée (A.H. et autres c. Russie, requête n°6033/13 – disponible uniquement en anglais). Les requérants sont 45 ressortissants américains qui avaient engagé entre 2010et 2012 des procédures d’adoption d’enfants russes, dont bon nombre souffraient de graves troubles de la santé et nécessitaient des soins médicaux spécialisés. Dans le cadre de cette procédure, la plupart des requérants avaient rencontré l’enfant qu’ils avaient l’intention d’adopter, partagé un certain temps avec celui-ci et pouvaient être considérés comme se trouvant au stade final de la procédure d’adoption. Le 21 décembre 2012, la Douma russe a adopté une loi prévoyant, notamment, l’interdiction pour les ressortissants américains d’adopter des enfants russes, rendant caduques les procédures d’adoption engagées. Les requérants alléguaient, notamment, une violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention ainsi qu’une violation de l’article 3 relatif à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. S’agissant de l’interdiction de la discrimination, la Cour observe qu’il y a eu une différence de traitement entre les futurs parents en fonction de leur nationalité et que celle-ci est disproportionnée et discriminatoire. Malgré le caractère légitime des objectifs avancés par le gouvernement russe, à savoir protéger les enfants et encourager les ressortissants russes à adopter, la Cour doute que l’interdiction ait été un moyen approprié de les réaliser. En effet, selon elle, les candidatures des requérants n’ont pas été rejetées sur la base de leurs caractéristiques individuelles mais en raison d’une interruption abrupte des procédures, sans considération pour l’intérêt des enfants, à un stade avancé de celles-ci où un attachement a déjà commencé à se former entre les adultes et l’enfant. Partant, la Cour considère que la discrimination en cause n’est pas proportionnée et conclut à la violation de l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 8. En revanche, la Cour EDH conclut que le grief soulevé relatif à l’article 3 de la Convention, est manifestement mal fondé, en raison du fait que les enfants ont reçu un traitement médical approprié en Russie. (JJ)