Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 12 janvier dernier, l’article 6 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la présomption d’innocence et l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention relatif à la protection de la propriété (UBS AG c. France, requête n°29778/15). La requérante est une banque suisse, dont la filiale française était suspectée d’avoir fourni des démarchages bancaires ou financiers illicites de résidents français. La requérante a été mise en examen pour démarchage illicite et blanchiment de fraude fiscale et a fait l’objet d’un contrôle judiciaire dans le cadre duquel elle a dû verser un cautionnement complémentaire d’un montant de plus d’un milliard d’euros. La requérante alléguait une violation de l’article 6 §2 de la Convention et de l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention, compte tenu du montant, selon elle disproportionné, du cautionnement. S’agissant de la présomption d’innocence, la Cour rappelle qu’une distinction doit être faite entre les décisions ou les déclarations qui reflètent le sentiment que la personne concernée est coupable et celles qui se bornent à décrire un état de suspicion. Notant que les décisions internes en l’espèce ne contiennent pas de motivation donnant à penser que les juges considèrent l’intéressée comme étant coupable, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §2 de la Convention. S’agissant de la protection de la propriété, la Cour rappelle qu’une restriction temporaire à l’usage d’un bien relève du pouvoir qu’ont les Etats de réglementer l’usage des biens, conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. A cet égard, elle note que l’ingérence en question dans la jouissance du droit au respect des biens de la requérante est légale et poursuit un but d’intérêt général. Concernant la proportionnalité, elle observe qu’une préoccupation croissante et légitime existe à l’égard des délits financiers, lesquels représentent des comportements socialement inacceptables, qui peuvent affecter les ressources des Etats et leur capacité à agir dans l’intérêt commun. Constatant que le montant de cautionnement était particulièrement motivé et que sa détermination prenait, notamment, en compte, les résultats des investigations, les faits reprochés, l’ampleur des infractions poursuivies et le préjudice possible, ainsi que l’amende encourue en cas de condamnation, mais aussi expressément à la lumière des ressources de la requérante, la Cour estime que l’ingérence n’était pas disproportionnée et, partant, conclut à la non-violation de l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention (JL)