Saisie d’une requête dirigée contre la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 13 décembre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Eylem Kaya c. Turquie, requête n°26623/07). La requérante, ressortissante turque, a été condamnée à une peine d’emprisonnement pour des faits de corruption et d’appartenance à une organisation criminelle. Au cours de son incarcération, elle a remis aux autorités pénitentiaires une lettre, à destination de son avocat, portant sur le pouvoir de représentation, à envoyer à la Cour dans le cadre de sa requête. Devant la Cour, la requérante, produisant une copie de cette lettre sur laquelle figure un cachet comportant la mention « vu », apposée par la commission de l’administration pénitentiaire chargée de la lecture de la correspondance des détenus, dénonçait le contrôle de sa correspondance avec son avocat par les autorités, alléguant que cette pratique a porté atteinte à son droit au respect de sa correspondance. Si la Cour, constatant ledit cachet sur la lettre, considère que le contrôle effectué par l’administration pénitentiaire a constitué une ingérence dans le droit de la requérante au respect de sa correspondance au sens de l’article 8 §2 de la Convention, elle observe que cette ingérence est prévue par un règlement permettant à l’administration pénitentiaire d’effectuer une vérification physique des lettres, télécopies et télégrammes envoyés par un détenu condamné pour appartenance à une organisation criminelle, en vue de sa défense, à un avocat. Elle admet donc que la mesure litigieuse, ayant pour objet de prévenir la commission des infractions, de préserver la sécurité de l’établissement pénitentiaire et d’empêcher la communication entre les membres d’organisations terroristes ou autres organisations criminelles, poursuivait les buts légitimes de la défense de l’ordre et de la prévention des infractions pénales. Toutefois, s’agissant de la proportionnalité de l’ingérence, la Cour, estimant que la vérification physique de la correspondance des détenus avec leurs avocats n’était pas entourée des garanties appropriées permettant de préserver la confidentialité du contenu de cette dernière contre les abus, considère que la mesure litigieuse n’était pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (MT)