Saisie d’une requête dirigée contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 6 décembre dernier, les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et au droit au respect de la vie privée et familiale (Kanalas c. Roumanie, requête n°20323/14). Le requérant, ressortissant roumain incarcéré après sa condamnation à une peine d’emprisonnement pour tentative de meurtre aggravé, a formulé une demande d’obtention d’une autorisation de sortie afin de pouvoir assister aux obsèques de sa mère. Cette requête ayant été rejetée aux motifs, notamment, que le restant de sa peine à exécuter était trop important et qu’il avait déjà bénéficié d’une récompense au cours du même mois, il a déposé, sans succès, une plainte pénale du chef d’abus d’autorité contre le directeur de la prison. Devant la Cour, le requérant soutenait que ses conditions de détention étaient contraires à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants au sens de la Convention et que le refus des autorités pénitentiaires de l’autoriser à assister aux obsèques de sa mère violait son droit au respect de sa vie privée et familiale. S’agissant de l’article 3 de la Convention, la Cour observe que la surpopulation et la précarité en matière d’hygiène des prisons roumaines relèvent d’un problème de nature structurelle et que l’absence d’éclairage et d’aération appropriées ainsi que la mauvaise qualité de la nourriture, invoquées par le requérant, reflètent des réalités qu’elle a déjà constatées par le passé. La Cour relève, par ailleurs, que l’espace carcéral personnel du requérant, inférieur à 3 m², et la durée de sa privation de liberté ont soumis ce dernier à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. S’agissant de l’article 8 de la Convention, la Cour observe que l’ingérence en cause est prévue par la loi et que, compte tenu de la gravité du crime commis par le requérant, cette mesure poursuivait le but légitime de l’empêcher d’utiliser la sortie pour commettre des délits ou troubler l’ordre ou la sécurité publique. Pour autant, elle estime que les autorités nationales n’ont pas procédé à une mise en balance des intérêts en jeu, à savoir, d’une part, le droit du requérant au respect de sa vie familiale et, d’autre part, la défense de l’ordre et de la sécurité publique ainsi que la prévention des infractions pénales. Elle considère que dans les circonstances de l’espèce, les raisons invoquées par les autorités nationales pour refuser au requérant une autorisation de sortie ne suffisent pas à démontrer que l’ingérence dénoncée était nécessaire dans une société démocratique. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (MT)