Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Sofiyski gradski sad (Bulgarie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 8 novembre dernier, l’article 17 de la décision-cadre 2008/909/JAI concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, lequel est relatif au droit applicable à l’exécution d’une condamnation (Atanas Ognyanov, aff. C-554/14). Dans l’affaire au principal, un ressortissant bulgare a été condamné à une peine de prison au Danemark qu’il a purgé en partie dans cet Etat, et durant laquelle il a travaillé, avant d’être transféré en Bulgarie. Aux fins du transfèrement, les autorités danoises ont indiqué que la loi danoise ne permettait pas de réduire la peine en raison du travail accompli lors de son exécution. Or, selon le droit bulgare, interprété par la juridiction suprême, le travail de la personne condamnée doit être pris en compte en vue de la réduction de la durée de la peine, même lorsqu’il a été effectué lors de la détention dans un autre Etat avant transfert en Bulgarie. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir, d’une part, si la décision-cadre s’oppose à une règle nationale interprétée de manière à autoriser l’Etat d’exécution à accorder au condamné une réduction de peine en raison du travail accompli pendant sa détention dans l’Etat d’émission, alors que les autorités de ce dernier n’ont pas, conformément au droit de celui-ci, accordé une telle réduction de peine et, d’autre part, si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction nationale applique une règle nationale contraire à la décision-cadre, au motif que la règle nationale serait plus douce. S’agissant de la première question, la Cour considère que seul le droit de l’Etat d’émission est applicable à la partie de la peine accomplie sur le territoire de cet Etat jusqu’au transfèrement vers l’Etat d’exécution, y compris en matière de réduction de peine pour travail accompli. Dès lors, la Cour conclut que le droit de l’Union s’oppose à une règle nationale interprétée d’une manière telle qu’elle autorise l’Etat d’exécution à accorder à la personne condamnée une réduction de peine en raison du travail qu’elle a accompli pendant sa détention dans l’Etat d’émission, alors que les autorités compétentes de ce dernier Etat n’ont pas, conformément au droit de celui-ci, accordé une telle réduction de peine. S’agissant de la deuxième question, la Cour relève que si les décisions-cadres ne peuvent pas produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne une obligation d’interprétation conforme du droit national par toutes les juridictions. Ainsi, la Cour conclut qu’une juridiction nationale est tenue d’interpréter le droit national conformément à la décision-cadre, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, l’interprétation retenue par la juridiction suprême, dès lors que cette interprétation n’est pas compatible avec le droit de l’Union. (MS)