Saisie d’un renvoi préjudiciel par la High Court (Irlande), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 8 novembre dernier, la directive 77/91/CEE tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les Etats membres des sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, TFUE, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (Dowling, aff. C-41/15). En l’espèce, les autorités irlandaises ont élaboré un programme d’ajustement économique et financier pour lequel elles ont sollicité une assistance financière de l’Union européenne. Dans le cadre de ce programme, elles se sont engagées à restructurer et à recapitaliser le secteur bancaire. Ainsi, une proposition visant à faciliter la recapitalisation d’un établissement bancaire a été soumise aux associés et actionnaires de la société détenant la totalité du capital social de l’établissement en cause. Après le rejet de celle-ci par l’assemblée générale des actionnaires, la juridiction de renvoi a adopté une ordonnance d’injonction imposant la recapitalisation aux conditions déterminées par le Ministre des finances. Saisie d’une demande d’annulation de cette ordonnance, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la directive s’oppose à une mesure, telle que l’ordonnance d’injonction en cause, adoptée dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un Etat membre qui menace la stabilité financière de l’Union et ayant pour effet d’augmenter le capital d’une société anonyme, sans l’accord de l’assemblée générale de celle-ci, en émettant de nouvelles actions pour un montant inférieur à leur valeur nominale et sans droit de souscription préférentiel des actionnaires existants. La Cour relève que la juridiction de renvoi est, aux termes d’une pondération des intérêts en jeu, arrivée à la conclusion que, après la décision de l’assemblée générale des actionnaires de rejeter la proposition de recapitalisation, l’ordonnance d’injonction était le seul moyen d’assurer, dans le délai prévu par la décision d’exécution du Conseil de l’Union européenne autorisant l’assistance financière de l’Union, la recapitalisation nécessaire pour éviter la défaillance de l’institution financière et prévenir ainsi une menace grave sur la stabilité financière de l’Union. La Cour souligne que la directive vise, selon son considérant 2, une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers des sociétés anonymes. Cependant, elle estime que la protection conférée, en ce qui concerne le capital social de celles-ci, ne s’étend pas à une mesure nationale adoptée dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un Etat membre qui vise à remédier à une menace systémique pour la stabilité financière de l’Union, résultant de l’insuffisance des fonds propres de la société concernée. (SB)