Saisie d’une requête dirigée contre la Hongrie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 8 novembre dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, requête n°18030/11). La requérante, une ONG, a mené différentes activités en faveur d’une réforme du système des commissions d’office en Hongrie. Dans le cadre d’un projet visant à établir un système transparent de désignation des avocats au titre de l’assistance judiciaire en matière pénale, elle a sollicité des services de police la communication des noms des avocats qu’ils avaient commis d’office en 2008 et le nombre de fois où chacun d’eux avait été commis. A la suite du refus de plusieurs services de police de fournir ces données, la requérante a engagé une procédure civile, au terme de laquelle la Cour suprême a conclu que les informations demandées constituaient des données à caractère personnel au sens de la loi nationale sur les données et que les services de police ne pouvaient donc être tenus de les communiquer. Devant la Cour, la requérante alléguait que le refus des tribunaux hongrois d’ordonner la divulgation des informations auxquelles elle avait demandé l’accès avait emporté violation de son droit à la liberté d’expression. La Cour considère que les informations demandées par la requérante étaient nécessaires pour lui permettre de mener à bien l’étude qu’elle réalisait en sa qualité d’ONG de défense des droits de l’homme afin de contribuer à un débat sur une question présentant un intérêt public évident. En refusant à la requérante l’accès aux informations demandées, les autorités hongroises ont entravé l’exercice de sa liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’une manière portant atteinte à la substance même de ses droits protégés par l’article 10 de la Convention. Si cette ingérence était prévue par la loi et poursuivait le but légitime de la protection des droits d’autrui, la Cour estime, toutefois, qu’elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique. En effet, elle observe qu’il n’y aurait pas eu d’atteinte au droit au respect de la vie privée des avocats commis d’office si la demande d’information de la requérante avait été acceptée car celle-ci ne portait pas sur des informations se trouvant hors du domaine public. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (SB)