Saisie de 2 requêtes dirigées contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 6 octobre dernier, l’article 1er du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la protection de la propriété (Malfatto et Mieille c. France, requêtes n°40886/06 et 51946/07). Les requérants, ressortissants français, sont les propriétaires de terrains situés en bord de mer. Lesdits terrains, d’abord classés comme constructibles, ont fait l’objet d’une autorisation de lotir. Cependant, en vertu de l’adoption de 2 textes successifs, ils ont été frappés d’une interdiction absolue de construire compte tenu du fait qu’ils étaient situés dans la bande de 100 mètres du littoral. Les requérants alléguaient que le rejet de leurs demandes d’indemnisation avait constitué une violation de l’article 1er du Protocole n°1 de la Convention. La Cour admet que l’ingérence dans le droit des requérants au respect de leurs biens, qui n’est pas contestée, doit respecter le principe de légalité et ménager un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Elle ajoute que cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante. La Cour rappelle qu’en l’espèce l’ingérence visée relève d’une politique générale d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement et que la protection du rivage de la mer constitue un but légitime dans l’intérêt général. Elle précise que la poursuite de ces politiques, où l’intérêt de la communauté occupe une place prééminente, laisse à l’Etat une marge d’appréciation plus grande que lorsque sont en jeu des droits exclusivement civils. La Cour admet que l’Etat peut, notamment, être amené à prévoir, dans certaines circonstances, l’absence d’indemnisation dans plusieurs situations relevant de la réglementation de l’usage des biens. En l’espèce, la Cour relève que les juridictions françaises ont estimé que le préjudice subi par les requérants n’ouvrait pas droit à indemnisation, notamment en indiquant qu’un premier requérant s’était abstenu pendant de nombreuses années d’exploiter son bien et qu’un deuxième requérant n’avait pas personnellement supporté le coût des travaux. Elle ne décèle aucun élément permettant de conclure que leurs décisions seraient entachées d’arbitraire ou manifestement déraisonnables, compte tenu, notamment, de ce que la servitude d’inconstructibilité s’applique à la totalité du littoral français. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas eu rupture de l’équilibre entre les droits des requérants et l’intérêt général de la communauté et conclut à la non-violation de l’article 1er du Protocole n°1 de la Convention. (AB)