Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 septembre dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Karelin c. Russie, requête n°926/08 – disponible uniquement en anglais). Le requérant, ressortissant russe, a été arrêté pour ivresse sur la voie publique et trouble à l’ordre public par un policier qui a engagé une procédure contre lui. Avocat de profession, il a assuré lui-même sa défense lors de l’audience et le policier ayant instruit le dossier a témoigné et répondu à des questions. Aucune autorité ni agent agissant officiellement en qualité de partie poursuivante n’était présent. Le Tribunal a déclaré le requérant coupable de trouble à l’ordre public et ce jugement a été confirmé par la juridiction d’appel, à l’issue d’une audience au cours de laquelle aucun agent public n’a comparu pour le compte de l’accusation. Devant la Cour, le requérant soutenait que, du fait de l’absence d’autorité ou d’agent représentant le ministère public lors des audiences, la charge de prouver les chefs d’accusation pesait exclusivement sur le juge, cela portant atteinte, non seulement aux principes d’égalité des armes et du contradictoire, mais également à l’impartialité des juridictions du fond. La Cour constate que l’absence du ministère public peut nuire à l’impartialité d’un procès lorsque le tribunal ou le magistrat doivent assumer des tâches qui auraient dû relever de l’accusation, si celle-ci avait été présente. En effet, cela peut entrainer une confusion quant à son rôle et faire légitimement douter de son impartialité. S’agissant du procès en première instance, la Cour relève que le policier présent à l’instance n’avait pas acquis qualité de partie à la procédure et n’était donc pas partie poursuivante. Elle constate que l’absence d’une telle partie a nui à l’impartialité de l’instance de jugement. S’agissant de la procédure d’appel, la Cour souligne que, si la nécessité d’une partie poursuivante s’impose moins en appel, le code russe des infractions administratives permettait à cette instance de revenir sur tous les points du dossier, y compris sur les preuves produites en première instance, et d’examiner de nouveaux éléments. Elle considère que, dans une audience de ce type, l’absence de partie poursuivante est une lacune grave, laquelle, en l’espèce, a empêché l’instance d’appel de remédier aux failles du procès de première instance. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MT)