Saisie d’un renvoi préjudiciel par le tribunal administratif n° 4 de Madrid (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 14 septembre dernier, les clauses 3 à 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée figurant en annexe de la directive 1999/70/CE concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, lesquelles portent, notamment, sur l’utilisation abusive de tels contrats (María Elena Pérez López, aff. C-16/15). Dans l’affaire au principal, une infirmière espagnole a été recrutée parmi le personnel statutaire occasionnel à l’hôpital. Son contrat à durée déterminée a été renouvelé à 7 reprises. Elle a introduit un recours arguant, notamment, que ses nominations successives n’avaient pas pour objet de répondre à un besoin conjoncturel ou extraordinaire des services de santé, mais correspondaient, en réalité, à une activité permanente et que la succession des contrats à durée déterminée conclus constituait une violation de la loi et devait conduire à la requalification de sa relation de travail. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale soit appliquée de telle sorte que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public de la santé, est considéré comme justifié par des « raisons objectives » au sens de ladite clause et si la clause 4 de l’accord-cadre s’oppose à une réglementation nationale qui refuse toute indemnité de résiliation au personnel statutaire occasionnel alors qu’une telle indemnité est allouée aux travailleurs comparables employés dans le cadre de contrats de travail occasionnel. Après avoir rappelé que l’accord-cadre n’exclut aucun secteur en particulier, la Cour souligne que celui-ci impose aux Etats membres d’adopter des mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir à condition que lesdites mesures soient proportionnées, effectives et dissuasives. Concernant l’existence de raisons objectives, la Cour souligne que cette notion doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité précise de nature à justifier le recours successif à des contrats à durée déterminée, sans que ces contrats puissent être renouvelés aux fins de l’accomplissement de manière permanente et durable de tâches qui relèvent de l’activité normale du personnel hospitalier ordinaire. Elle conclut, à cet égard, qu’il existe une obligation incombant à l’administration de créer des postes structurels lorsque l’Etat concerné connaît un déficit structurel de postes de personnel titulaire dans un secteur. Par ailleurs, la Cour affirme qu’une éventuelle différence de traitement entre certaines catégories de personnel sous contrat à durée déterminée qui est fondée non pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur le caractère statutaire ou contractuel de celle-ci, ne relève pas du principe de non-discrimination consacré par cet accord-cadre et, partant, se déclare manifestement incompétente. (JL)