Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’Etat (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 7 septembre dernier, l’article 3 de la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz, lu à la lumière des articles 14 et 106 TFUE, relatifs aux services d’intérêt économique général (ANODE, aff. C-121/15). Dans l’affaire au principal, une association a contesté la réglementation française par laquelle les autorités ont imposé à certaines entreprises, dont l’opérateur historique, de proposer à certaines catégories de consommateurs la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur la question de savoir si une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, constitue une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel, prévue par la directive, et si, dans l’affirmative, une telle entrave peut être justifiée. S’agissant de l’existence d’une entrave, la Cour considère qu’une mesure qui prévoit des tarifs résultant d’une détermination effectuée sur la base de critères imposés par les autorités publiques et qui se situe en dehors de la dynamique des forces du marché constitue une entrave. Elle précise que cette dernière subsiste alors même que la mesure ne fait pas obstacle à ce que des offres concurrentes soient proposées à des prix inférieurs aux tarifs réglementés par tous les fournisseurs sur le marché. S’agissant de la justification de l’entrave, la Cour relève qu’une telle intervention peut être admise dans le cadre de la directive si elle respecte 3 conditions : elle doit poursuivre un objectif d’intérêt économique général ; elle doit respecter le principe de proportionnalité ; et elle doit prévoir des obligations de service public clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantir un égal accès des entreprises de gaz de l’Union aux consommateurs. S’agissant, tout d’abord, de la première condition, la Cour estime que les Etats membres peuvent imposer aux entreprises, intervenant dans le secteur du gaz, des obligations de service public portant sur les prix de la fourniture du gaz naturel afin de poursuivre des objectifs relatifs à la sécurité de l’approvisionnement et à la cohésion territoriale. S’agissant, ensuite, de la deuxième condition, la Cour renvoie au juge national le soin d’apprécier la proportionnalité de la mesure en cause tout en précisant les critères d’analyse. Ainsi, le juge national devra apprécier, notamment, si la mesure est susceptible de garantir la réalisation des objectifs poursuivis et si elle est strictement limitée à ce qui est nécessaire pour les atteindre. Elle précise, également, que l’exigence de nécessité doit être appréciée au regard du champ d’application personnel de la mesure. S’agissant, enfin, de la troisième condition, la Cour considère, en vertu de la directive, que des obligations de service public doivent être imposées de manière générale aux entreprises du secteur du gaz et non à certaines entreprises en particulier. En outre, elle relève que le système de désignation des entreprises chargées d’obligations de service public ne peut exclure, a priori, aucune des entreprises opérant dans le secteur de la distribution du gaz. Dès lors, il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier que le système tarifaire en cause n’est pas discriminatoire. (MS)