Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 6 septembre dernier, les articles 3, 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, au droit à la liberté et à la sûreté, et au droit à un recours effectif (W.D c. Belgique, requête n°73548/13). Le requérant, ressortissant belge, délinquant sexuel souffrant de troubles mentaux, a été maintenu en détention à durée indéterminée dans une aile psychiatrique d’une prison. Tous ses recours introduits contre les décisions de maintien dans ce lieu ont été rejetés et les démarches entreprises en vue de son placement dans un centre d’hébergement extérieur n’ont pas abouti. Devant la Cour, il se plaignait de son placement en détention carcérale, depuis plus de 9 ans, sans soins appropriés à son état de santé mentale et sans perspective réaliste de réinsertion. Il dénonçait l’irrégularité de cette privation de liberté et estimait ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour se plaindre de ses conditions d’internement. S’agissant de l’article 3 de la Convention, la Cour relève que le maintien du requérant en aile psychiatrique, sans espoir réaliste d’un changement, sans encadrement médical approprié et pendant une période significative, constitue une épreuve particulièrement pénible, l’ayant soumis à une détresse d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Elle en déduit que les autorités nationales n’ont pas assuré une prise en charge adéquate de l’état de santé du requérant et conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. Concernant les articles 5 et 13 de la Convention, la Cour juge, tout d’abord, que l’internement du requérant, dans un lieu inadapté à son état de santé, a rompu le lien requis par l’article 5 §1 de la Convention, entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a eu lieu. Par ailleurs, elle constate que, du fait du manque de places adaptées dans le circuit extérieur et du manque de personnel qualifié dans les ailes psychiatriques, le requérant ne disposait pas, pour faire valoir ses griefs tirés de la Convention, d’un recours effectif, susceptible de redresser la situation dont il est victime et d’empêcher la continuation des violations alléguées. Partant, elle conclut à la violation de l’article 5 et de l’article 13, combiné à l’article 3 de la Convention. Enfin, la Cour souligne que la situation du requérant tire son origine d’un dysfonctionnement structurel propre au système belge d’internement. En application de l’article 46 de la Convention relatif à la force obligatoire et à l’exécution des arrêts, elle estime que l’Etat contractant est tenu d’organiser son système d’internement des personnes délinquantes de telle sorte que la dignité des détenus soit respectée. Elle décide d’appliquer la procédure de l’arrêt pilote et accorde au gouvernement un délai de 2 ans pour remédier à cette situation. (MT)