Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesarbeitsgericht (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 28 juillet dernier, l’article 3 §1 de la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et l’article 14 §1 de la directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (Kratzer, aff. C-423/15). Le litige au principal concernait une action indemnitaire introduite par un ressortissant allemand, faisant suite au rejet de sa candidature pour un poste de stagiaire, au motif qu’il aurait subi une discrimination en raison de son âge et de son sexe. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur la question de savoir si une situation dans laquelle une personne qui, en présentant sa candidature à un emploi, vise à obtenir non pas cet emploi, mais uniquement le statut formel de candidat, dans le seul but de réclamer une indemnisation, relève de la notion d’« accès à l’emploi ou au travail » au sens des directives, et si, en vertu du droit de l’Union, une telle situation peut être qualifiée d’abus de droit. La Cour observe qu’une personne présentant sa candidature à un emploi sans manifestement chercher à l’obtenir ne saurait se prévaloir de la protection offerte par ces directives, l’objectif poursuivi par celles-ci consistant à assurer à toute personne l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, en lui offrant une protection efficace contre certaines discriminations, notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi. La Cour relève, par conséquent, qu’une telle personne ne saurait, dans ces conditions, être considérée comme étant une victime ou une personne lésée ayant subi un préjudice, au sens de ces directives. Par ailleurs, la Cour rappelle que c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de vérifier si les éléments constitutifs d’une pratique abusive sont réunis dans le litige au principal. Elle précise que s’il apparait que l’intéressé s’est porté artificiellement candidat à un emploi dans le but essentiel de se prévaloir de la protection offerte par ces directives en vue d’obtenir un avantage indu, il devrait alors être considéré que l’intéressé se prévaut abusivement de ladite protection. Partant, la Cour conclut qu’une personne qui, en présentant sa candidature à un emploi, vise à obtenir non pas cet emploi mais uniquement le statut formel de candidat, dans le seul but de réclamer une indemnisation, ne relève pas de la notion d’« accès à l’emploi ou au travail » au sens de ces dispositions et qu’une telle situation peut, si les éléments requis en vertu du droit de l’Union sont réunis, être qualifiée d’abus de droit. (MT)