Saisie d’une requête dirigée contre le Royaume-Uni, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 30 mars dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Armani Da Silva c. Royaume-Uni, n°5878/08). La requérante, ressortissante brésilienne, est la cousine d’un individu ayant été tué par balles dans le métro de Londres, en 2005, par des policiers l’ayant pris pour un kamikaze au cours d’une opération de surveillance liée à la recherche des auteurs d’attentats manqués dans le métro londonien. La requérante se plaignait qu’aucune enquête n’ait abouti à engager la responsabilité personnelle des policiers ayant tiré sur son cousin, emportant violation de l’article 2 de la Convention dans son volet procédural. La Cour rappelle que le volet procédural de l’article 2 de la Convention impose aux Etats parties de mettre en place une procédure pour contrôler la légalité du recours à la force meurtrière par les autorités de l’Etat. Pour cela, l’enquête doit être confiée à des personnes indépendantes et être effective, c’est-à-dire permettre d’établir les faits, déterminer si le recours à la force était justifié et prendre les mesures raisonnables pour obtenir les preuves relatives aux faits en question. Les conclusions de l’enquête doivent s’appuyer sur une analyse méticuleuse de tous les éléments pertinents et cette enquête doit être menée promptement, avec diligence et être accessible à la famille voire, si nécessaire, au public. Pour autant, la Cour précise que l’article 2 de la Convention n’impose nullement l’ouverture de poursuites ou l’exigence d’une condamnation. Concernant, d’une part, le grief de la requérante selon lequel les autorités d’enquête n’ont pas examiné si la conviction des policiers de recourir à la force était non seulement honnête mais aussi raisonnable, la Cour relève que les autorités britanniques ont examiné le caractère honnête et sincère de cette conviction et que les autorités d’enquête ont bien examiné les actes des policiers à l’aune de ce critère. Concernant, d’autre part, le grief de la requérante tenant à critiquer les défaillances de l’enquête ayant empêché d’aboutir à l’ouverture de poursuites individuelles contre les policiers, la Cour souligne que l’article 2 de la Convention n’implique qu’une obligation de moyens et non de résultat, même si des défaillances institutionnelles peuvent emporter violation dudit article. A ce titre, la Cour estime que le rôle et l’organisation du Crown Prosecution Service (« CPS »), lequel a pris la décision de ne pas poursuivre les policiers, ne font pas apparaitre de défaillances institutionnelles. Par ailleurs, le CPS utilise 2 critères pour décider d’ouvrir des poursuites : il cherche à savoir s’il y a des éléments de preuve suffisants pour qu’il existe une perspective réaliste de condamnation, c’est-à-dire qu’un verdict de culpabilité soit plus probable que le contraire, et il se demande si l’intérêt public commande d’engager des poursuites. La Cour ne remet en cause aucun de ces critères et n’estime pas qu’ils soient à ce point élevés qu’ils excèdent la marge d’appréciation de l’Etat. Enfin, la portée du contrôle exercé par le juge examinant la décision de ne pas entamer de poursuites n’est pas, pour la Cour, trop étroite, la décision ayant été prise par un procureur indépendant après un avis juridique indépendant. Il n’existe d’ailleurs pas d’approche uniforme dans les différents Etats membres sur un contrôle étendu de ces décisions. Partant, la Cour conclut à la non-violation du volet procédural de l’article 2 de la Convention. (CG)