Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 24 mars dernier, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Tabbane c. Suisse, requête n°41069/12). Le requérant, ressortissant tunisien, a créé un partenariat industriel et commercial avec une société française. Cette dernière a introduit une requête d’arbitrage contre le requérant devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Celle-ci a rendu une sentence arbitrale. Le requérant a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral afin d’obtenir l’annulation de cette sentence. Le Tribunal fédéral a déclaré la requête du requérant irrecevable au motif que les parties avaient valablement renoncé à exercer un recours contre toute décision du tribunal arbitral. Le requérant soutenait qu’il avait été privé de l’accès à un tribunal pour contester le caractère inéquitable de la procédure d’arbitrage. Il alléguait, également, que l’interprétation donnée par le Tribunal fédéral de la clause de renonciation était extrêmement restrictive dans la mesure où, selon lui, les parties ne voulaient pas exclure toute voie de recours, mais simplement le droit d’appel contre la sentence. La Cour rappelle que l’article 6 §1 de la Convention garantit à toute personne le droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Elle souligne, toutefois, que ce droit n’est pas absolu et que des restrictions sont possibles à condition qu’elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. A cet égard, la Cour estime que l’article 6 de la Convention ne s’oppose pas à la création de tribunaux arbitraux afin de juger certains différends de nature patrimoniale et que les parties sont libres de se soustraire aux juridictions ordinaires. Une telle renonciation ne se heurte pas à la Convention pour autant qu’elle soit libre, licite et sans équivoque. En l’espèce, la Cour constate que l’arbitrage était prévu par une convention d’arbitrage librement consentie par le requérant et contenant une clause compromissoire. Elle constate que le droit suisse en vertu duquel la sentence n’est pas soumise au contrôle du juge de l’exequatur reflète un choix politique visant à augmenter l’attractivité et l’efficacité de l’arbitrage international en Suisse. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 de la Convention. (JL)