Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 23 mars dernier, les articles 3, 5 §1 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains, au droit à la liberté et à la sûreté et au droit à un procès équitable (Blokhin c. Russie, requête n°47152/06). Le requérant, ressortissant russe, a fait l’objet d’une mesure de détention provisoire pour mineurs délinquants pour une durée de 30 jours, à la suite de poursuites déclenchées contre lui pour extorsion, alors qu’il était atteint de troubles mentaux. Il alléguait que durant sa détention, il n’avait pas bénéficié de soins médicaux appropriés. Il estimait, par ailleurs, que cette mesure violait son droit à la liberté et à la sûreté et qu’elle avait été ordonnée à l’issue d’une procédure inéquitable dans la mesure où il a été interrogé par un policier sans la présence de son tuteur, d’un avocat ou d’un enseignant et qu’il n’avait pas eu l’opportunité d’interroger les témoins lors de l’audience. S’agissant du grief tiré de l’article 3 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition impose aux Etats de protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté, notamment par l’administration des soins médicaux requis. Elle précise, à cet égard, que les soins doivent être appropriés, c’est-à-dire d’un niveau comparable à celui que les autorités se sont engagées à fournir à l’ensemble de la population. En l’espèce, la Cour estime que les autorités connaissaient l’état de santé du requérant, ainsi que son besoin de traitement. Elle considère que, eu égard au jeune âge du requérant et à sa vulnérabilité particulière due à ses troubles mentaux, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention faute, pour le centre de détention provisoire de lui avoir dispensé les soins médicaux requis. S’agissant de la violation alléguée de l’article 5 §1 de la Convention, la Cour rappelle que la détention à des fins d’éducation surveillée doit se dérouler dans un établissement adapté disposant de ressources répondant aux objectifs pédagogiques et pour une période suffisamment longue pour être efficace. Elle constate que le placement en centre de détention provisoire est une mesure de courte durée et met en doute, dès lors, la finalité éducative visant à modifier le comportement d’un mineur et à lui faire suivre une thérapie dans un laps de temps si restreint. Elle note que le centre se caractérisait davantage par son régime disciplinaire que par l’enseignement assuré et conclut à la violation de l’article 5 §1 de la Convention. Concernant, enfin, l’article 6 de la Convention, la Cour note que le requérant n’avait pas atteint l’âge de la responsabilité pénale et qu’il avait besoin, dès lors, d’une protection spécifique de la part des autorités. Elle constate qu’il n’a pas été notifié au requérant son droit de prévenir un tiers de confiance et qu’aucune mesure n’a été prise pour assurer au requérant la présence d’un avocat au cours de l’interrogatoire. Elle souligne, par ailleurs, que lors de l’audience à l’issue de laquelle la mesure de détention a été ordonnée, le requérant n’a pas eu l’opportunité de convoquer ni d’interroger des témoins. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §§1 et 3, sous d), de la Convention. (JL)