Saisie d’une requête dirigée contre le Portugal, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 22 mars dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à au droit à la liberté d’expression (Pinto Coelho c. Portugal, requête n°48718/11). La requérante, journaliste, a réalisé un reportage sur une affaire judiciaire lequel couvrait des prises de vue de la salle du tribunal où l’audience publique avait eu lieu et diffusait des extraits de l’enregistrement sonore de l’audience et l’interrogatoire d’un témoin à charge et de 2 témoins à décharge. A la suite de la diffusion du reportage, la requérante a fait l’objet de poursuites et d’une condamnation pour avoir permis la diffusion de l’enregistrement sonore de l’audience sans l’autorisation de la juridiction. La Cour constate que la condamnation constitue une ingérence dans le droit de la requérante dans l’exercice de sa liberté d’expression, que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle poursuit un but légitime, en l’occurrence la bonne administration de la justice et la protection des droits d’autrui. S’agissant du caractère nécessaire dans une société démocratique, la Cour rappelle le rôle éminent de la presse dans une société démocratique. Elle souligne, toutefois, que les articles sur des procédures pénales en cours ne doivent pas risquer de réduire les chances d’une personne de bénéficier d’un procès équitable ou d’amoindrir la confiance du public dans le rôle tenu par les tribunaux dans l’administration de la justice pénale. En l’espèce, la Cour note qu’il est nécessaire de mettre en balance le droit à la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée des personnes ayant témoigné. Elle constate que le reportage contribuait à un débat d’intérêt général et analyse, dès lors, la manière dont les juridictions ont mis en balance les intérêts en présence. A cet égard, la Cour note qu’au moment de la diffusion du reportage litigieux, l’affaire interne avait déjà été tranchée et qu’il n’est pas établi en quoi la diffusion du reportage aurait pu avoir une influence négative sur l’intérêt de la bonne administration de la justice. S’agissant de la protection de la réputation et des droits d’autrui, elle souligne que l’audience tenue dans le cadre de l’affaire était publique et qu’aucun des témoins n’a porté plainte à la suite de la diffusion du reportage alors que c’était à eux qu’il incombait en premier lieu de faire respecter leur droit. Elle en conclut que les autorités n’ont pas suffisamment justifié la sanction infligée à la requérante qu’elle considère disproportionnée au but poursuivi. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (JL)