Saisie d’une requête dirigée contre la Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 8 mars dernier, les articles 6 §1 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit à la liberté d’expression (Bilen et Çoruk c. Turquie, requête n°14895/05). Les requérants, 2 ressortissants turcs, membres du mouvement de jeunesse du Parti travailliste, alléguaient une atteinte à leur liberté d’expression en raison de leur condamnation à une amende, par voie d’ordonnance pénale, pour avoir distribué des tracts qui critiquaient la politique du gouvernement à l’égard du peuple kurde. En outre, ils se plaignaient de l’absence d’audience dans la procédure en question et dénonçaient un manque de respect des droits de la défense. Concernant, tout d’abord, l’article 6 §1 de la Convention, la Cour relève que les requérants n’ont bénéficié d’une audience devant les juridictions internes à aucun stade de la procédure. La Cour considère donc que ces derniers n’ont jamais eu la possibilité de comparaitre personnellement devant les magistrats appelés à se prononcer sur leur affaire et que leur cause n’a, par conséquent, pas été entendue publiquement par les juridictions saisies. Dès lors, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. Concernant, ensuite, l’article 10 de la Convention, la Cour relève que la condamnation pénale dont ont fait l’objet les requérants s’analyse en une ingérence dans leur droit à leur liberté d’expression. S’agissant de l’existence d’une base légale en droit interne justifiant pareille ingérence, la Cour note qu’il existait, à l’époque des faits, 2 dispositions contradictoires qui régissaient la distribution de tracts empêchant de prévoir, dans les circonstances de l’espèce, que la simple distribution de tracts émanant d’un parti politique était susceptible d’être punie. Dès lors, la Cour considère que la loi nationale ne remplissait pas les exigences de précision et de prévisibilité suffisantes et que cette ingérence n’était donc pas prévue par la loi. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (AB)