Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 14 janvier dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Mandet c. France, requête n°30955/12). Les requérants, des époux et un enfant, ressortissants français, alléguaient, notamment, une violation de leur droit au respect de la vie privée et familiale du fait de l’annulation par les juridictions nationales, à la demande du père biologique de l’enfant, de la reconnaissance de paternité accomplie par l’époux de la mère, ainsi que l’annulation de la légitimation subséquente de l’enfant. La Cour observe qu’en annulant le lien de filiation que l’enfant avait à l’égard de l’époux, les juridictions internes ont, sur le plan juridique, modifié l’un des éléments importants de la structure familiale dans laquelle il évoluait depuis plusieurs années, ce qui constitue une ingérence dans l’exercice par l’enfant de son droit au respect de sa vie privée et familiale. La Cour relève que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle a pour but la protection des droits et libertés d’autrui, à savoir ceux du père biologique. Concernant le caractère nécessaire de la mesure dans une société démocratique, elle souligne que les juridictions internes n’ont pas fait du refus de l’enfant de se soumettre à l’expertise ordonnée avant dire droit un élément corroborant leurs conclusions quant au caractère mensonger de la reconnaissance de paternité dont il avait été l’objet. En effet, c’est le refus des époux de se plier à cette expertise et leur refus de conduire l’enfant auprès de l’expert qui a été pris en compte. Par ailleurs, la Cour relève qu’une administratrice ad hoc a été désignée pour représenter les intérêts de l’enfant dans la procédure et que la Cour de cassation a jugé que le droit de l’enfant à être entendu dans la procédure avait été respecté. Dès lors, elle considère que les juridictions internes n’ont pas omis d’accorder un poids décisif à l’intérêt supérieur de l’enfant et que leur décision d’annuler la reconnaissance de paternité ne revient pas à faire indûment prévaloir sur l’intérêt de l’enfant celui du père biologique à voir sa paternité reconnue, mais à retenir que l’intérêt de l’un et celui de l’autre se rejoignent en partie. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (SB)