Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 15 décembre dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Raihani c. Belgique, requête n°12019/08). Le requérant, résidant habituellement en Belgique, a fait l’objet d’une ordonnance par défaut autorisant un prélèvement direct sur ses revenus alors qu’il purgeait une peine de prison au Maroc. L’ordonnance a été notifiée à son domicile légal situé en Belgique. A son retour dans cet Etat, les allocations chômages du requérant ont été retenues. Il a alors formé opposition contre l’ordonnance, laquelle a été rejetée pour tardiveté. Invoquant l’article 6 §1 de la Convention, le requérant se plaignait d’une violation de son droit d’accès à un tribunal en raison du rejet de son opposition pour tardiveté et d’une violation de l’égalité des armes dans la mesure où le tribunal avait estimé que l’ordonnance par défaut était revêtue de l’autorité de la chose jugée. Il estimait, en effet, que le tribunal de première instance avait commis une erreur en prenant en compte, pour déclarer l’opposition irrecevable, la date de la retenue et non la date où le requérant était censé prendre connaissance de la signification de l’ordonnance. La Cour rappelle, tout d’abord, que le droit d’accès au tribunal n’est pas absolu et que les Etats parties bénéficient d’une marge d’appréciation relative aux formalités et aux délais à observer pour former opposition contre une décision rendue par défaut et visant à assurer la bonne administration de la justice et le respect du principe de la sécurité juridique. Elle examine, dès lors, si la limitation était proportionnée aux buts poursuivis. A cet égard, la Cour note que le requérant a entamé les démarches en vue de contester l’ordonnance dès le moment où il a eu connaissance de l’existence d’une condamnation servant de titre aux retenues et estime, dès lors, qu’il a agi avec une diligence suffisante. Elle constate que la fixation du point de départ du délai d’opposition a été entourée d’un double manque de clarté. D’une part, la détermination de l’événement à prendre en compte pour faire courir le délai dépendait d’une évaluation qui pouvait donner lieu à des conclusions différentes. D’autre part, la date retenue était une date à laquelle le requérant ne devait pas nécessairement savoir qu’il existait un jugement qui lui était défavorable et contre lequel il pouvait former une opposition. La Cour affirme donc que les juridictions n’ont pas respecté le rapport raisonnable de proportionnalité entre le but visé et les moyens utilisés et, partant, conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (JL)