Saisie d’une requête dirigée contre l’Allemagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 12 novembre dernier, l’article 6 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la présomption d’innocence (El Kaada c. Allemagne, requête n°2130/10 – disponible uniquement en anglais). Le requérant est un ressortissant allemand qui a été condamné en 2008 à une peine de 2 ans d’emprisonnement avec sursis. En 2009, il a été arrêté en tant que suspect dans le cadre d’une enquête sur un cambriolage. Interrogé sans la présence de son avocat, il a avoué avoir commis l’infraction avant de se rétracter au cours de l’audience juridictionnelle. Le tribunal allemand a alors décidé de lever le sursis du requérant au motif que ce dernier avait avoué avoir commis l’infraction et était donc en état de récidive. Invoquant l’article 6 §2 de la Convention, le requérant estimait que la levée de son sursis portait atteinte au principe de la présomption d’innocence. La Cour rappelle, tout d’abord, que celui-ci est méconnu lorsqu’une décision judiciaire reflète le sentiment qu’une personne poursuivie est coupable avant même qu’elle n’ait été jugée par un tribunal à l’issue d’un procès équitable. Elle constate, ensuite, que les dispositions internes autorisent les juridictions allemandes à révoquer la suspension d’un sursis lorsqu’elles ont acquis la certitude que l’intéressé a commis une infraction pendant sa période de probation. Elle observe, en l’espèce, que le tribunal a acquis cette certitude lorsque le requérant a avoué avoir commis l’infraction, alors que ce dernier s’est ensuite rétracté et cela avant même qu’il n’ait été reconnu coupable dans un arrêt définitif conformément à la loi. Elle estime, par conséquent, que la décision du tribunal de lever le sursis du requérant s’analyse comme un verdict clair déclarant ce dernier coupable avant qu’il ne l’ait été reconnu à l’issue d’un procès équitable. Dès lors, la Cour considère que le raisonnement par lequel les tribunaux allemands ont levé le sursis du requérant est contraire au principe de la présomption d’innocence. Partant, elle conclut à la violation de l’article 6 §2 de la Convention. (KO)