Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 10 novembre dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France, requête n°40454/07). Les requérants, directeur de publication et éditeur de l’hebdomadaire Paris-Match, se plaignaient que la condamnation prononcée à leur encontre, à la suite de la publication d’un article concernant la révélation de la paternité du Prince Albert de Monaco, constituait une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur liberté d’information. Dans un arrêt de chambre du 12 juillet 2014, la Cour avait estimé que la condamnation des requérants portait indistinctement sur des informations relevant d’un débat d’intérêt général et sur des informations qui concernaient exclusivement les détails de la vie privée du Prince. En conséquence, elle avait considéré qu’il n’existait pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les restrictions apportées par les juridictions nationales au droit des requérants à la liberté d’expression et le but légitime poursuivi et avait conclu à la violation de l’article 10 de la Convention. La Grande Chambre de la Cour estime qu’il faut apprécier l’article dans son ensemble pour déterminer si la teneur de l’interview dévoilant la paternité du Prince peut s’analyser en une information ayant pour objet une question d’intérêt général. En l’espèce, elle note que l’article contenait de nombreux détails de l’intimité du Prince Albert de Monaco et de ses sentiments réels ou supposés qui ne se rattachent pas directement à un débat d’intérêt général. Pour autant, elle estime qu’il ne fait aucun doute que la publication, prise dans son ensemble et dans son contexte, se rapportait, également, à une question d’intérêt général. En effet, elle relève, notamment, que la naissance de cet enfant n’était pas dénuée à l’époque d’éventuelles incidences dynastiques et patrimoniales. Les juridictions internes n’ayant pas tenu compte dans une juste mesure des principes et critères de mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression définis par la jurisprudence de la Cour, celle-ci conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (MF)