Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Amtsgericht Laufen (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 15 octobre dernier, la directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales et la directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (Covaci, aff. C-216/14). Le requérant au principal est un ressortissant roumain poursuivi en Allemagne pour une infraction routière. N’ayant pas de domicile ni de résidence en Allemagne, il a désigné 2 mandataires aux fins de la signification des documents judiciaires. Une ordonnance pénale l’a condamné à payer une amende. En application du droit allemand, il ne pouvait former une opposition contre cette ordonnance qu’en langue allemande et dans un délai de 2 semaines à compter de sa signification à ces mandataires. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si, d’une part, la directive 2010/64/UE doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale qui n’autorise pas la personne faisant l’objet d’une ordonnance pénale à former une opposition par écrit contre cette ordonnance dans une langue autre que celle de la procédure, alors même que cette personne ne maîtrise pas cette dernière langue et, d’autre part, si la directive 2012/13/UE doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un Etat membre qui impose à la personne poursuivie ne résidant pas dans cet Etat de désigner un mandataire aux fins de la signification d’une ordonnance pénale la concernant, un délai pour former une opposition contre cette ordonnance courant à compter de la signification de celle-ci audit mandataire. Sur la première question, la Cour estime, tout d’abord, que le droit à l’interprétation protégé par la directive 2010/64/UE ne concerne que la traduction par un interprète des communications orales entre les suspects et les autorités judiciaires. Elle ajoute, ensuite, que le droit à la traduction ne concerne, en principe, que les actes essentiels à la procédure rédigés par les autorités nationales. Imposer aux Etats membres de prendre en charge la traduction de tous les actes écrits produits par le suspect irait au-delà des objectifs de la directive. Partant, la Cour conclut que la directive 2010/64/UE doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui, dans le cadre d’une procédure pénale, n’autorise pas la personne faisant l’objet d’une ordonnance pénale à former une opposition par écrit contre cette ordonnance dans une langue autre que celle de la procédure, alors même que cette personne ne maîtrise pas cette dernière langue, à condition que les autorités compétentes ne considèrent pas que, au vu de la procédure concernée et des circonstances de l’espèce, une telle opposition constitue un document essentiel. Sur la seconde question, la Cour considère que lorsque le délai de recours contre une ordonnance pénale commence à courir dès sa signification au mandataire de la personne mise en cause, cette dernière ne peut exercer effectivement ses droits de la défense et le procès n’est équitable que si elle bénéficie de ce délai dans son intégralité, c’est-à-dire sans que la durée de celui-ci soit diminuée du temps nécessaire au mandataire pour faire parvenir l’ordonnance pénale à son destinataire. Par conséquent, elle conclut que la directive 2012/13/UE doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation d’un Etat membre qui, dans le cadre d’une procédure pénale, impose à la personne poursuivie ne résidant pas dans cet Etat de désigner un mandataire aux fins de la signification d’une ordonnance pénale la concernant, à condition que cette personne bénéficie effectivement de l’intégralité du délai imparti pour former une opposition contre ladite ordonnance. (KO)