Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 15 octobre dernier, les articles 2, 3, 5 §1, sous f), 5 §4 et 34 de la Convention européenne des droits de l’homme (L.M. e.a c. Russie, requêtes n°40081/14, 40088/14 et 40127/14 – disponible uniquement en anglais). Les requérants, alors sur le territoire russe, se sont vus ordonner leur expulsion vers la Syrie. Ils soutenaient que, si elle avait lieu, celle-ci emporterait violation de leurs droits garantis par la Convention. La Cour note que c’est la première fois qu’elle se prononce dans un arrêt sur la question des renvois en Syrie dans la situation actuelle. Concernant les articles 2 et 3 de la Convention relatifs, respectivement, au droit à la vie et à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, la Cour estime que les intéressés ont présenté aux autorités russes des motifs substantiels de croire qu’ils seraient exposés à un risque réel pour leur vie et pour leur sécurité personnelle s’ils étaient expulsés. En effet, ils ont dit être originaires d’Alep et de Damas, où de lourds combats ont lieu depuis 2012, et ont donné des informations supplémentaires individualisées. Elle souligne que l’examen réalisé par les juridictions internes a consisté pour l’essentiel à établir que les requérants se trouvaient en situation de séjour irrégulier en Russie. Considérant les rapports internationaux existants sur la situation en Syrie, la Cour conclut que le renvoi des requérants emporterait violation des articles 2 et/ou 3 de la Convention. Concernant l’article 5 de la Convention, la Cour estime que les requérants n’ont pas disposé d’une procédure de contrôle juridictionnel de la régularité de leur privation de liberté et conclut à la violation de l’article 5 §4 de la Convention relatif au droit à un examen à bref délai par un juge de la régularité de la détention. Par ailleurs, constatant que les requérants sont demeurés en détention sans que cette mesure soit assortie d’une limite temporelle, elle conclut à la violation de l’article 5 §1 de la Convention relatif à la liberté et à la sureté. En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 34 de la Convention relatif au droit de recours individuel, la Cour observe que les requérants se sont vus refuser la possibilité de rencontrer leurs avocats et leurs représentants et que la communication avec ceux-ci a été gravement entravée. Elle considère que ces restrictions ont constitué une ingérence dans l’exercice par les requérants de leur droit de recours individuel et que, dès lors, la Russie a manqué aux obligations que lui impose l’article 34 de la Convention. Enfin, en vertu de l’article 46 de la Convention relatif à la force obligatoire et l’exécution des arrêts, la Cour conclut que la Russie doit assurer la libération immédiate des 2 requérants demeurant privés de liberté. (MF)