Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Tribunale di Cuneo (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 8 septembre dernier, la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (Ivo Taricco e.a., aff. C-105/14). Dans le litige au principal, plusieurs personnes sont suspectées d’avoir formé et organisé une association en vue de commettre différents délits en matière de TVA. Cependant, en raison de l’application du droit national italien, une partie des actions publiques engagées au pénal à l’encontre de ceux-ci s’est retrouvée éteinte par l’effet de la prescription et le reste des actions sera prescrit au plus tard en 2018, sans qu’un arrêt définitif ne puisse être rendu compte tenu de la complexité de l’enquête et de la longueur de la procédure. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal ne revient pas à entraver la lutte effective contre la fraude à la TVA dans l’Etat membre concerné, d’une manière incompatible avec la directive ainsi qu’avec le droit de l’Union. La Cour rappelle, tout d’abord, que l’article 325 TFUE oblige les Etats membres à lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives. Elle estime que le budget de l’Union étant financé par les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme à l’assiette harmonisée de la TVA, un lien direct existe entre la perception de ces recettes et les intérêts financiers de l’Union. Elle précise que si les Etats disposent d’une liberté de choix des sanctions applicables afin de garantir la perception des recettes provenant de la TVA, des sanctions pénales peuvent être indispensables pour combattre certains cas de fraude grave à celle-ci. Ainsi, la Cour admet qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances de fait et de droit pertinentes, si les dispositions nationales applicables permettent de sanctionner, de manière dissuasive, les cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Elle ajoute que dans l’hypothèse où le juge national parvient à la conclusion que l’application des dispositions nationales aurait pour effet que, dans un nombre considérable des cas, les faits constitutifs de fraude grave ne seront pas pénalement punis, il y aurait lieu de constater que les mesures prévues par le droit national pour combattre la fraude ne sauraient être considérées comme étant effectives et dissuasives. En outre, la Cour considère que le juge national doit, également, vérifier si les dispositions en cause s’appliquent aux cas de fraude en matière de TVA de la même façon qu’aux cas de fraude portant atteinte aux seuls intérêts financiers de l’Italie. Tel ne serait pas le cas si le code pénal italien établissait des délais de prescription plus longs pour des faits, de nature et de gravité comparable, portant atteinte aux intérêts financiers de l’Italie. Dans l’hypothèse où la juridiction nationale aboutirait à la conclusion que les dispositions nationales ne répondent pas à l’exigence du droit de l’Union, la Cour relève qu’il incomberait à cette juridiction de garantir le plein effet du droit de l’Union en laissant inappliquées lesdites dispositions, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union. (AB)