Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesverfassungsgericht (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 16 juin dernier, plusieurs dispositions du traité relatives à la politique économique et monétaire de l’Union européenne et aux compétences de la Banque centrale européenne (« BCE »), dont l’article 123 §1 TFUE interdisant le financement monétaire des Etats membres par la BCE (Gauweiler e.a., aff. C-62/14). Dans le litige au principal, des particuliers contestaient la validité des décisions du conseil des gouverneurs de la BCE concernant les opérations monétaires sur titres de l’Eurosystème sur les marchés secondaires de la dette souveraine. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a posé plusieurs questions sur le point de savoir si le droit de l’Union autorise le Système européen de banques centrales (« SEBC ») à adopter un programme d’achat d’obligations souveraines sur les marchés secondaires. Après avoir rappelé les attributions du SEBC et la délimitation de la politique monétaire, la Cour constate, tout d’abord, que le programme relève de la politique monétaire et n’est pas constitutive d’une politique économique. Elle note que la mise en œuvre de ce programme est subordonnée au respect intégral des programmes d’ajustement macroéconomique et à l’existence de perturbations du mécanisme de transmission de la politique monétaire, permettant ainsi d’éviter que la politique monétaire ne porte atteinte à l’efficacité de la politique économique conduite par les Etats membres. Elle examine, ensuite, le caractère proportionné de la mesure. A cet égard, elle observe que le SEBC dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour atteindre les objectifs fixés par le traité. Elle note que le volume du programme de rachat était limité et que le SEBC avait pondéré les différents intérêts en présence de manière à éviter que puissent se produire des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis. S’agissant, enfin, de la compatibilité de la décision à l’interdiction d’assistance financière des Etats membres, la Cour rappelle que cette disposition vise à inciter les Etats membres à respecter une politique budgétaire saine en évitant qu’un financement monétaire des déficits publics ou un accès privilégié des autorités publiques aux marchés financiers ne conduise à un endettement excessif des Etats membres. Elle conclut que lorsque la BCE procède à l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires, elle doit entourer son intervention de garanties suffisantes pour concilier celle-ci avec l’interdiction du financement monétaire découlant de l’article 123 §1 TFUE. A cet égard, elle observe que des conditions encadrent l’action du SEBC sur le marché secondaire de telle sorte que les Etats membres ne peuvent pas déterminer leur politique budgétaire en se basant sur la certitude du rachat futur de leurs obligations souveraines sur les marchés secondaires. Partant, la Cour conclut que le programme d’achat d’obligations souveraines sur les marchés secondaires du SEBC est compatible avec le droit de l’Union. (JL)