France / Loi relative au droit des malades et à la fin de vie / Obligation positive de l’Etat / Droit à la vie / Arrêt de la CEDH (Leb 744)

Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 5 juin dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Lambert e.a. c. France, requête n°46043/14). Dans l’affaire au principal, certains membres de la famille de Vincent Lambert, un patient en état végétatif à la suite d’un grave traumatisme crânien, s’opposaient à la décision du médecin d’arrêter la nutrition et l’hydratation artificielle du malade conformément à la loi relative au droit des malades et à la fin de vie, décision confirmée par le Conseil d’Etat. La chambre compétente de la Cour a sollicité du gouvernement français la suspension de cette décision et a décidé de traiter l’affaire par priorité avant de se dessaisir au profit de la Grande chambre (cf. L’Europe en Bref n°723). Invoquant l’article 2 de la Convention, ils soutenaient, notamment, que les obligations positives de l’Etat découlant du droit à la vie avaient été violées. Ils arguaient de l’absence de clarté et de précision de la loi et contestaient le processus qui a abouti à la décision du médecin. La Cour constate, tout d’abord, qu’il n’existe pas de consensus entre les Etats membres du Conseil de l’Europe pour permettre l’arrêt d’un traitement maintenant artificiellement la vie. Malgré des situations très différentes dans chaque Etat membre, elle note qu’il existe un consensus sur le rôle primordial de la volonté du patient dans la prise de décision. En conséquence, elle considère que, dans ce domaine, il y a lieu d’accorder une marge d’appréciation aux Etats, celle-ci n’étant, toutefois, pas illimitée. Elle analyse, ensuite, le champ d’application de la loi ainsi que les conditions nécessaires à l’arrêt des traitements. Elle examine le cadre législatif et l’interprétation faite par le Conseil d’Etat et affirme que celui-ci est suffisamment clair pour encadrer la décision du médecin. La Cour évalue, par ailleurs, le processus décisionnel ayant conduit à la décision d’arrêter les soins. Elle constate la grande diversité des dispositions en Europe et relève que, dans l’affaire au principal, la procédure a été longue et méticuleuse, allant même au-delà de ce que prévoyait la loi et estime que cette procédure a respecté les exigences découlant de l’article 2 de la Convention. La Cour analyse, enfin, les recours juridictionnels dont ont bénéficié les requérants. A cet égard, elle relève que le Conseil d’Etat a apporté d’importantes précisions quant à l’étendue du contrôle exercé par le juge des référés, qu’une expertise médicale actualisée a été ordonnée et que plusieurs spécialistes sont intervenus en qualité d’amicus curiae afin de l’éclairer sur les notions d’ « obstination déraisonnable » et de « maintien artificiel de la vie ». La Cour admet que le Conseil d’Etat a souligné l’importance que le médecin doit accorder à la volonté du malade et s’est efforcé de déterminer cette volonté présumée. Partant, soulignant la grande complexité médicale, juridique et éthique des questions touchant à la fin de vie et rappelant la marge d’appréciation dont bénéficient les Etats membres sur cette question, la Cour conclut à la non-violation de l’article 2 de la Convention. (JL)

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