Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Lituanie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 13 mai dernier, le règlement 44/2001/CE sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit règlement « Bruxelles I » (Gazprom, aff. C-536/13). Dans le litige au principal, l’une des requérantes, une société de droit lituanien, avait plusieurs actionnaires dont, notamment, la société Gazprom, l’autre requérante et le Fonds des biens de l’Etat lituanien, lesquels étaient liés par un accord d’actionnaires qui prévoyait, notamment, une clause compromissoire en cas de litige. A la suite de l’introduction d’une requête aux fins d’ouverture d’une enquête sur les activités de la société lituanienne par le ministère de l’Energie, Gazprom a déposé une demande d’arbitrage auprès d’une instance arbitrale internationale, au motif que ce recours violait la clause compromissoire et a, également, sollicité qu’il soit mis fin à l’examen de l’affaire pendante devant la juridiction étatique. Le tribunal arbitral a constaté la violation partielle de la clause compromissoire et a enjoint le ministère à retirer et réduire certaines de ses demandes. Parallèlement à cette procédure, le tribunal étatique a ordonné l’ouverture de l’enquête. Les juridictions étatiques d’appel ont reconnu la compétence des juridictions lituaniennes et ont refusé d’exécuter la sentence arbitrale. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le règlement « Bruxelles I » s’oppose à ce qu’une juridiction reconnaisse et exécute une sentence arbitrale, ou refuse de le faire, lorsque celle-ci interdit à une partie de faire juger le litige au fond devant cette juridiction. La Cour rappelle, tout d’abord, que le règlement « Bruxelles I » exclut l’arbitrage de son champ d’application matériel. Ainsi, ni la sentence arbitrale ni la décision par laquelle la juridiction d’un Etat membre reconnaît celle-ci ne sont susceptibles de faire obstacle aux principes de confiance mutuelle et d’effet utile régissant l’esprit du règlement « Bruxelles I ». Dès lors, les questions de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale relèvent des droits national et international applicables en Lituanie et, notamment, la convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Partant, la Cour conclut que le règlement « Bruxelles I » ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un Etat membre reconnaisse et exécute une sentence arbitrale, ou refuse de le faire, quand bien même celle-ci restreindrait l’exercice par une telle juridiction de son pouvoir de se prononcer elle-même sur sa compétence pour examiner l’affaire. (DH)