Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 9 avril dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Barras c. France, requête n°12686/10). Le requérant au principal, ressortissant français, possèdait un immeuble, prêté à usage à durée indéterminé depuis plus de 50 ans qu’il a souhaité récupérer en arguant du défaut d’entretien par les occupants. Au terme d’une première procédure judiciaire contre ceux-ci, le requérant n’a pu obtenir la restitution de l’immeuble et n’a pas fait appel de la décision. Toutefois, à la suite d’un revirement de jurisprudence qui lui était favorable, à savoir qu’un prêt à usage à durée indéterminée pouvait être résilié à tout moment, le requérant a assigné les occupants en demandant, une nouvelle fois, la résiliation du prêt à usage pour défaut d’entretien. Invoquant l’article 6 §1 de la Convention, le requérant se plaignait que l’on ait appliqué à sa demande le principe selon lequel, pour contester l’identité de cause avec une demande en justice antérieure, une partie ne peut invoquer un fondement juridique qu’elle n’avait pas soulevé dans le cadre de l’instance relative à sa première demande. La Cour constate, tout d’abord, que le Code civil français énonce que la chose jugée par un jugement antérieur ne fait autorité à l’égard d’une nouvelle demande que si elle est fondée sur la même cause et s’il y a identité de parties et d’objet. La Cour relève, ensuite, qu’il existe un principe dégagé par la jurisprudence dit de la « concentration des moyens », selon lequel le demandeur est tenu de présenter dès la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime fonder sa cause. Il ne peut, en conséquence, dans une deuxième demande invoquer un moyen qu’il n’avait pas soulevé lors de sa première demande. A cet égard, la Cour convient que cette condition est impossible à remplir lorsque le fondement juridique de la deuxième demande repose sur un revirement de jurisprudence postérieur à la première demande. La Cour considère, néanmoins, que le requérant n’a pas été empêché de bénéficier du revirement de jurisprudence relatif au droit, pour le prêteur, de résilier à tout moment un prêt à usage à durée indéterminée, du fait de l’application du principe de la concentration des moyens. Elle note, en effet, que la seconde demande n’était pas fondée sur ce droit nouvellement reconnu au prêteur par le revirement de jurisprudence en question mais, comme lors de la première demande, sur un défaut d’entretien de l’immeuble par les occupants. Partant, estimant la requête mal fondée sur ce point, la Cour conclut à son irrecevabilité. (ES)