Saisie d’une requête dirigée contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 3 février dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Pruteanu c. Roumanie, requête n°30181/05). Le requérant, ressortissant roumain, est l’avocat de l’un des associés d’une société commerciale. Après que celle-ci ait été frappée d’interdiction bancaire, 2 des 3 associés se sont enfuis et ont signé des pouvoirs en faveur du client du requérant pour la vente de 2 immeubles. Le Parquet a entamé des poursuites pénales contre les 2 associés du chef de tromperie et le téléphone du client du requérant a été placé sur écoute. La police a ainsi enregistré les conversations téléphoniques qu’avait eues ce dernier avec le requérant, ce qui a permis d’intercepter les suspects fugitifs. La juridiction nationale a estimé que les enregistrements téléphoniques constituaient des preuves recevables. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant alléguait que son droit au respect de sa vie privée avait été violé du simple fait de l’enregistrement de ses conversations téléphoniques, indépendamment de l’existence ou non d’une autorisation délivrée par la juridiction nationale ou de la mise sur écoute de son téléphone. La Cour rappelle, tout d’abord, que les communications téléphoniques sont comprises dans les notions de « vie privée » et de « correspondance » au sens de l’article 8 de la Convention et que leur interception constitue une ingérence dans l’exercice de ce droit. Elle précise, ensuite, que l’interception des conversations d’un avocat avec son client porte incontestablement atteinte au secret professionnel, base de la relation de confiance entre ces 2 personnes. En outre, elle indique que cette ingérence était nécessaire pour permettre la manifestation de la vérité dans le cadre d’une procédure pénale, mais que lorsque les conversations d’une personne sont enregistrées et lorsqu’elles sont utilisées dans le cadre d’une affaire pénale, l’intéressé doit bénéficier d’un contrôle efficace pour pouvoir contester les écoutes téléphoniques en cause. Or, la Cour constate que le requérant, qui n’était pas partie à l’instance, ne disposait pas d’un recours certain, en droit interne, qui lui permettait de contester la légalité et la nécessité de cette ingérence. Dès lors que l’intéressé n’a pas bénéficié du contrôle efficace requis par la prééminence du droit, la mesure était disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (DH)